Le pont d’Etaples
la recherche de représentations de ces paysages, le pont d’Étaples s’est imposé à de multiples reprises…
L’importance de l’ouvrage pour le pays tout entier - traverser les estuaires n’est pas chose facile - explique sans doute l’intérêt des peintres ou des photographes. C’est également son intérêt stratégique qui justifie sa destruction lors du deuxième conflit mondial.
Les représentations des dunes et estuaires d’Opale font
état d’un certain déséquilibre entre absence d’un côté et
abondance de l’autre. En effet, si les villes de Berck et du
Touquet, et plus généralement les plages font l’objet de
très nombreuses illustrations, notamment de peintures, les
dunes et les bas champs ne semblent pas avoir beaucoup
inspiré les artistes. Les représentations des deux derniers
siècles négligent les espaces « naturels » ou agricoles. Elles
se concentrent sur les plages, qui apparaissent comme les
lieux d’une vie intense, fourmillant de gens de tous âges et
de toutes conditions. Ces plages sont « captées » à deux
fins assez différentes. Les peintres ou les photographes
que l’on pourrait qualifier d’ethnologues multiplient les
vues de pêche à pied, de retour de pêcheurs et même de
pâturage sur les prés salés des estuaires. Il existe une carte
postale montrant des lavandières profitant d’une source…
avec vue sur mer, mais manifestement sans aucun confort.
Ces peintures, ces cartes postales côtoient une production
d’images plus nettement promotionnelles. Mais, il convient
pourtant de se demander s’il n’existe pas de lien entre les
premières et les secondes ; la pêche à pied satisfait-elle le
goût pour l’exotisme des premiers touristes ? Les peintres
n’appartiennent-ils pas à cette société urbaine qui vient sur
ces plages joindre l’utile - prendre le bon air - à l’agréable ?
En tout état de cause, les images abondent comme les
personnages sur les plages ! C’est l’occasion de démentir
une idée fausse. Ainsi, les plages d’hier n’étaient pas des
déserts peuplés d’oiseaux et traversés par de valeureux
pêcheurs… Ce sont des femmes, des enfants, des vieillards
qui pêchent à pied. Tout un petit peuple sans doute assez
misérable qui vient glaner sur la plage des compléments
alimentaires. Certes, le ballet des hommes est aujourd’hui
d’une autre nature, entièrement orienté sur le plaisir…
L’observation attentive des peintures de plage révèle une
curieuse répétition : les cieux et les sols semblent appartenir
à la même matière. Sur la peinture de la page précédente,
les formes des nuages répondent à celles des vasières
herbeuses de l’estuaire de la Canche. Sur l’image ci-contre,
l’horizon marin et même la plage avec ses bâches sont de
la même pâte que le ciel. Ces paysages sont bien ceux de
l’impossible limite entre le terrestre et l’aquatique…