Le gris et vert
Les paysages des dunes et estuaires d’Opale ont indéniablement une couleur particulière, chaque nuance de vert apparaissant comme teintée d’une pointe d’argent. Même sous un franc soleil, les paysages développent une palette légèrement éteinte, comme « adoucie ».
Le sable des dunes, l’eau des marais contribuent chacun à l’établissement de cette gamme chromatique particulière.
Comme pour les paysages littoraux des dunes de la mer du
Nord, les paysages ruraux sont ici peu représentés. Par le
passé, les dunes, les mollières accompagnant les estuaires
connaissaient des pratiques agricoles, essentiellement
d’élevage. Aujourd’hui, seuls les Bas Champs ont encore
un caractère agricole ; ces activités cohabitent avec les
pratiques de chasse postée, très fortement développées
dans cette zone humide.
La zone humide arrière-littorale ne fut pas appelée « Bas
Champs » au hasard. Les terres plates, situées à 4 ou 5
mètres d’altitude, recueillent les eaux des collines de l’Est,
mais ne peuvent aisément les évacuer, les dunes agissant
comme des digues infranchissables. La toponymie révèle
la vocation agricole de ces lieux : les Prés du Seigneur,
les Grands Pâtis, le Marais de l’Église, les Bas Prés, les
Pâtures à Pâques… Ces marais devaient être le domaine
des bêtes, laissées en libre divagation durant le jour ;
quelques vaches broutent encore l’herbe grasse, mais
les usages complexes, plus ou moins collectifs, de ces
espaces ont disparu.
Eaux douces
L’eau des Bas-Champs est une eau douce qui rejoint les fleuves pas des chemins plus ou moins tortueux, largement retravaillés par l’homme comme en témoigne la Grande Tringue toute droite derrière Merlimont et méandreuse derrière Cucq.
Les innombrables fossés qui sillonnent les marais et les estuaires composent le squelette de ces paysages, ils en sont également un peu l’âme.
Mais la toponymie révèle également d’autres usages, qui
ont aujourd’hui profondément modifié ces paysages. Ainsi,
le terme de canarderie se rencontre plusieurs fois, ainsi que
le mot flaque. La chasse est à l’évidence un aspect essentiel
de ces paysages. Les marais constituent en effet une zone
de nourrissage idéale pour les oiseaux migrateurs utilisant
le « rail » littoral. Les photographies aériennes montrent
l’importance des plans d’eau légèrement recreusés qui
favorisent l’accueil des oiseaux migrateurs. La vocation
agricole des Bas Champs semble ainsi doucement s’effacer
au profit des activités cynégétiques.
moyen ou long terme, c’est ainsi l’ensemble des
secteurs du Grand paysage régional qui aura basculé
dans les usages de loisirs. Cependant, la question est
posée du caractère patrimonial de ces lieux, du point de
vue naturaliste à l’évidence mais également du point de
vue paysager et ethnographique. Ces marais, avec ceux
de l’Audomarois, racontent une part majeure de l’histoire
régionale. Leurs fragilités - qualités des eaux, entretien des
ouvrages, pression des usages… - sont à la mesure de
leurs intérêts patrimoniaux.