Un vaste jardin
C’est surtout au Sud de
la plaine que les cultures
légumières apportent
leurs couleurs aux
paysages agricoles. La
plaine dispose d’une
véritable histoire variétale
que quelques jardiniers
contribuent à préserver.
La campagne de la plaine de la Lys s’articule autour de
l’axe de la rivière, véritable colonne vertébrale à des titres
divers : sillon naturel, sillon de transit, sillon d’urbanisation,
sillon d’industrialisation… mais, également autour de ses
bordures, ce relief enfantin qui en cerne l’espace. Ces
bordures, que les géographes appellent le « talus bordier »,
permettent des vues surplombantes, éclairantes quant à
l’agriculture du Grand paysage régional.
Les prairies, qui
tapissent les pentes du talus, disparaissent rapidement,
laissant avec le plat la place aux labours. Il faut la mémoire
de l’historien ou la précision du géographe pour lire, cachée
sous la victoire apparente d’une agriculture intensive, une
plaine jardinée, patiemment extraite des marécages.
Les
champs bombés représentent à merveille cette ténacité
conquérante. Les charrues non réversibles en faisant le
tour des champs, rejetaient, année après année, labours
après labours, la terre toujours du même côté, créant ainsi
au centre de la parcelle un très léger relief artificiel ; suffisant
cependant pour améliorer la productivité agricole. Ce type
de pratiques agricoles ne suffisent pas seules à justifier le
terme de jardin de la Lys. La nature des cultures explique
également cette terminologie. Une tradition légumière s’y
épanouissait - pois, tabac, choux, haricots - qui est encore
visible, essentiellement aux abords de la métropole lilloise.
Aujourd’hui, les paysages ruraux ne gardent que des traces
ténues de ses diversités d’hier. Certes, les cultures y sont
nombreuses et relativement diversifiées, avec cependant
une part importante de betterave et de maïs. Certes encore,
la taille des parcelles y demeure moyenne, avec par ailleurs
une certaine variété dans la nature des limites parcellaires.
Un fossé gorgé de phragmites, une haie isolée, un
alignement de saules ou de peupliers, une ligne de piquets
de pâtures sont les signes, modestes mais ô combien
précieux, d’une campagne vivante au quotidien. Le nombre
et l’importance des fermes en activité, régulièrement
dispersées sur la plaine, ajoutent indéniablement à cette
sensation dynamique d’une agriculture d’aujourd’hui. Voici
rapidement décrit le « système » de la plaine, constellée
de fermes et d’arbres, qui déploie implacablement ses
champs labourés, bordés des chemins jumelés à des
fossés profonds, ou de rares pâtures bordant des fermes
de brique rouge rappellent la prégnance de l’élevage sur
ce territoire. Ces acquis agricoles ne doivent pas cacher
les fragilités à l’oeuvre. Les terres les plus argileuses,
nommées « pacaults » localement, ont été stérilisées par le
passage répété de lourds engins agricoles et la constitution
de semelles de labours que la dynamite seule, dit-on,
saurait détruire. Le développement de l’élevage porcin
amène sa part d’évolutions paysagères, en particulier au
niveau des transformations considérables des silhouettes
des fermes.
Et puis, cette campagne n’est jamais
uniquement et totalement rurale, la « ville » ne s’en éloigne
pas vraiment, que ce soit en son coeur ou à sa périphérie.
Une ville gourmande en foncier, qui trouve bon marché
de s’accrocher aux kilomètres de voies existantes bien
souvent pourvues d’un minimum de réseaux, dans ce pays
d’habitat dispersé. Enfin, dans la plaine de la Lys, comme
finalement pour la plaine maritime, l’eau est une présence
étrangement absente ! Nul ici ne peut ignorer les lois de la
gravitation, nul ne peut échapper au caractère collectif de la
gestion de cette alliée domestiquée, pourtant les éléments
du « vocabulaire » paysager de l’eau semblent souffrir de
délaissement. Les watergangs sont régulièrement curés,
certains sont même bétonnés, mais les moines, les ponts,
les garde-corps apparaissent comme des ouvrages lourds
à entretenir, qui glissent dans l’oubli…