Partout en France et au-delà, les littoraux attirent des
populations sans cesse plus nombreuses. Dès lors, les
problématiques de protection et d’aménagement se
confrontent, s’affrontent. Mais il faut garder en mémoire que
les débats d’aujourd’hui s’ancrent en réaction par rapport
aux projets du passé. En effet, dans les années 1970, le
Schéma directeur de la région de Dunkerque prévoyait une
explosion de la population et un développement du port qui
n’eurent pas lieu. l’époque, le littoral entre Dunkerque et
Calais était dévolu à l’urbanisation industrialo-portuaire.
L’implication importante de la puissance publique (État,
Conservatoire du littoral, Conseils généraux du Nord et du
Pas de Calais…) entre aujourd’hui dans un dispositif de
protection notamment par le biais d’acquisitions foncières.
Entre ports et dunes, plus de trente ans de débat et de
cohabitation donnent au territoire du littoral de la mer du
Nord une certaine longueur d’avance, même si tout n’est
pas à ce jour de l’ordre du consensus.
Le littoral de la mer du Nord met en scène une grande
complexité d’usages et d’affectations sur un linéaire somme
toute modeste. Les centres-villes succèdent aux dunes
protégées pour leur faune et leur flore, les ports aux espaces
chassés, les plages sur-fréquentées aux cabanes perchées
sur les dunes, les immensités industrielles aux immensités
sableuses… Le littoral est une succession, une imbrication,
un feuilleté ! Les espaces sont parfois cloisonnés, mais le
plus souvent des vues dégagées entraînent vers un ailleurs
brumeux les regards et les rêveries. La dune convoque les
immeubles du littoral belge à sa table, le port renvoie au
beffroi, qui ramène à la plage… Le littoral de la mer du Nord
est fait de collages et de surprises qui participent de son
identité.
Ici, la vocation touristique du littoral s’est essentiellement
développée avec les congés payés, soit autour de 1936.
Certes Calais, immense port de voyageur, avait tenté de
capter un peu de ce flot humain avec son casino et sa
plage, mais la ville n’était pas parvenu à faire de l’ombre à
sa voisine boulonnaise, qui du XVIIIème au XIXème siècles
capta toutes les attentions britanniques. Bray-Dunes est
emblématique des plages et du tourisme du littoral de la
mer du Nord. Combien d’enfants d’hier et d’aujourd’hui y ont
goûté les joies du bain de mer pour la première et parfois
unique fois ? Ce tourisme pourrait être jugé disqualifiant pour
certains. Il est au contraire ancré dans ce que la région Nord
– Pas-de-Calais a de plus précieux : une grande diversité
paysagère au bénéfice de sa population et de sa population
urbaine en particulier (bassin minier et métropole).
Arpenté à pied et de plus en plus à vélo, le littoral a connu
récemment une redistribution complète de ses accès avec
l’entrée en service de l’autoroute A16. Lentement, les
habitudes changent, accompagnées par l’évolution de la
signalétique directionnelle. Ce sont les accès aux centres-
villes, aux plages mais également aux ports qui se trouvent
modifiés, sans le plus souvent que l’entrée à ces sites ne
soit véritablement pensée ou aménagée. L’enjeu est donc
d’importance tant sont connus les phénomènes d’attraction
urbaine des grandes infrastructures.
Enfin, les villes du littoral de la mer du Nord s’engagent dans
un processus de reconquête, nécessaire après près de 50
ans de reconstruction. Le rôle de l’eau, qu’elle soit douce
ou salée, est ici essentiel. Au-delà de l’histoire même du
lieu – mais, qu’il serait dommage de ne pas s’appuyer sur
cette dimension patrimoniale si ténue soit-elle – c’est le goût
partagé de l’eau dans la ville qui peut guider cette dernière
dans une « reconstruction » d’image et d’attractivité.