Le siège d’Aire ?
Cette peinture repré-
sente donc le siège
d’Aire en 1676, mais il
faut lire et relire son
titre pour s’en persua-
der. En premier lieu,
l’important mouvement
d’hommes et de chevaux
ne semble guère guer-
rier : des carrosses, des
hommes en habits, ni
armes ni canons. Et puis,
quel paysage ! Certes,
la troupe - puisque c’en
est une, mais sans doute
suit-on ici le roi en
personne - évite un plan
d’eau. Mais ce dernier
est d’un bleu azuréen et
la végétation qui l’envi-
ronne offre à l’ensemble
une ambiance rien moins
que tropicale…
Un matin de printemps, lorsqu’une brume légère cède
la place à une belle journée de soleil ; telles seraient les
conditions idéales pour arpenter la ville d’Aire-sur-la-Lys,
de la place aux faubourgs, des chemins de halage qui
bordent ses nombreux canaux aux campagnes prairiales.
Avec une imagination volontaire, la ville peut porter son
visiteur à entendre la voix des siècles, la voix du temps,
celle des temps ou Aire était tout à la fois florissante et
convoitée, située sur cette périlleuse frontière entre les
comtés de Bourgogne et de Flandre. Ainsi, les seules
images collectées du Pays d’Aire sont des images de
batailles. Témoignages répétés des vagues guerrières
qui sans cesse dessinaient et redessinaient les frontières
infrarégionales. Ainsi, la vue à vol d’oiseau ci-contre, qui
présente un état de siège, porte comme titre « Aire, en
Flandre », sans précision de date. Cependant, la légende
positionne - au sein des installations militaires - le logis du
Maréchal de la Meilleraye et le quartier du Roy ; il s’agit
donc du siège de la ville entrepris par Louis XIII en 1641. La
peinture est quant à elle datée de 1676, soit deux années
avant la signature du traité de Nimègue (1678), qui permit
au roi de France d’acquérir les dernières enclaves des
Pays-Bas espagnols au sein du territoire régional. Enclaves,
parmi lesquelles se trouvaient un vaste ensemble allant de
l’Audomarois aux Monts de Flandre, en passant par le pays
d’Aire.
Sur la gravure, les troupes qui font le siège de la ville, bien
protégée pourtant grâce à ses fortifications, sont implantées
au Sud puisque l’on devine le mont Cassel en haut et à
droite de la vue. La position stratégique de la ville apparaît
dès lors que l’on regarde une carte de la région et que l’on
tente d’imaginer les routes du XIVème au XVIIIème siècle :
la plaine de la Lys est un obstacle redoutable entre le Nord
et le Sud, tandis que la route d’Arras à Calais (notre RN43)
constitue, à l’Ouest, le premier passage disponible vers le
littoral. Cette route est sans doute celle qui est représentée
sur la vue et grossie sur l’image du dessous, puisque
l’église du premier plan est légendée comme le clocher de
Lambre (sic) et que la voie entre dans la ville par la Porte
d’Arras. Est-ce l’effet de l’imagination ? Mais il existe une
parenté entre la représentation de la route et celle d’un
fleuve : elle sillonne mollement, sa largeur est variable et
ses rives sont marquées d’un petit bourrelet…
Au pied de la ville, au centre des remparts, une zone de marais est
indiquée sur l’image, juste au dessus des troupes bien
alignées. Dans ces marais, ou la végétation est absente,
les constructions sont également rares, l’une d’elles est
en ruine. Plus au Sud, sur des terres suffisamment sèches
pour que les troupes s’y installent, la végétation entoure ou
cache de nombreux logis isolés dans la campagne, logis
tous désignés par le nom de leur propriétaire. la gauche
des fortifications, quelques maisons sont situées hors les
murs ; le mot faubourg les accompagne. Ce faubourg,
échappant aux règles de la ville pouvait - on l’imagine
– développer un commerce plus libre. Il enserre la route
d’Arras, juste avant que cette dernière ne pénètre la ville
par son flanc Ouest. Quant à la ville d’Aire, contenue dans
ses remparts, elle dresse les nombreux clochers et autres
tours des églises et des couvents qui semblent en grand
nombre. Autour de ces amers dressés au bord de la plaine,
les toitures des maisons se tassent et s’enchevêtrent,
recherchant la protection spirituelle et temporelle entre
églises et fortifications.
Quelle surprise pourtant à déambuler aujourd’hui dans la
ville : le raffinement et la grâce sont partout.