Toute la physionomie actuelle des paysages et de l’occupation
des sols découle de l’histoire géomorphologique et
paléogéographique ancienne qui a été déterminante pour les
phases ultérieures de mise en valeur par les hommes. La Plaine
de la Lys, s’étant ainsi trouvée en position basse et en position de
subsidence lente, a constitué une vaste zone humide.
La Lys qui devait avant cela être insérée dans une petite vallée,
adaptée à sa taille, comme on la connaît encore à l’heure actuelle
dans sa partie amont traversant l’Artois, se retrouve à divaguer
dans une vaste plaine beaucoup trop large pour elle (environ
25 kilomètres de large pour un développement en longueur
d’environ 45 kilomètres). La pente insignifiante, que ce soit au
sein même de l’unité géomorphologique de la Plaine de la Lys,
que plus largement jusqu’à la mer, entraîne une stagnation
importante des eaux. Un vaste marécage s’installe alors qui va
constituer une barrière majeure pour les populations humaines
pendant plusieurs milliers d’années. Le caractère insalubre
du site va en effet empêcher toute mise en valeur précoce.
Cette barrière naturelle va constituer une limite sociologique et
linguistique importante, puisque c’est elle qui sépare le monde de
la langue flamande du parler franc et picard.
C’est également elle qui va structurer la mise en place et
la disposition des villes qui ne pourront, dans une première
étape, ne s’installer qu’autour de la Plaine de la Lys pour ne
coloniser son centre, notamment le long de son cours devenu
un atout en terme de transport, que beaucoup plus tard. C’est
vraisemblablement cette histoire qui a fait la localisation d’Aire
sur la Lys.
Même si l’agriculture moderne s’est imposée, ici comme ailleurs,
les contraintes hydrauliques et environnementales sont telles
que c’est toujours la polyculture qui domine avec encore une
relativement forte présence de l’élevage, même si les prairies
pâturées ont fortement régressé tout récemment.
C’est de cette mise en valeur médiévale que naît le paysage que
l’on connaît encore actuellement (quoique fortement bouleversé
depuis quelques décennies) : un paysage à dominante ouverte
ou alternent des parcelles petites et moyennes, séparées par des
alignements de saules têtards (dont les usages sont multiples
et le rôle de pompage hydraulique majeur). Les points d’eau
servant d’abreuvoir sont nombreux partout dans la plaine. Ils
le sont encore plus à la limite entre la plaine et ses versants en
raison de la configuration topographique et géomorphologique.
Actuellement encore, malgré les immenses perturbations dont il
a fait l’objet (destruction, drainage, pollution, …), ce réseau de
fossés constitue l’élément patrimonial et écologique majeur de la
Plaine de la Lys.
l’opposé, l’Artois s’est retrouvé assez tôt accessible et
exploitable dans l’histoire de la colonisation humaine de la région.
Assaini naturellement par la topographie (bordé par la Lys, il a
subi une érosion lente et la constitution d’un bassin-versant
vers la plaine basse située en contrebas) et enrichi également
naturellement par les limons éoliens quaternaires, il a pu être
assez tôt mis en valeur sur le plan agricole et économique.
L’absence de contraintes topographiques et hydrauliques
a conduit à la mise en place progressive, accélérée depuis
quelques décennies, d’une agriculture intensive basée sur de
grandes parcelles.
Le système des cultures intensives et industrielles est aujourd’hui
tel, que peu de place est laissée à la faune et la flore originales
et vraiment intéressantes. Les conditions rigoureuses imposées
par l’agriculture sont en effet à l’origine d’un appauvrissement et
d’une banalisation des habitats naturels.
Enfin, l’exploitation du sous-sol (argilières principalement) a
conduit à modifier, à petite échelle, très fortement le paysage local
en créant un réseau de vastes plans d’eau (les ballastières).