Abstraction…
Alors que le reste de la région suscite essentiellement des œuvres figuratives, la force des paysages des falaises d’Opale semble susciter des expérimentations plus radicales. Avec le recours à l’abstraction, plus ou moins totale, la puissance ne s’exprime plus tant sur des effets de confrontation que sur des états de fusion : la terre, le ciel, la mer sont les trois expressions d’une même et unique matière…
La force attractive de cette partie du littoral l’a fait entrer
dans le patrimoine artistique régional au-delà de la simple
anecdote ou de la modeste carte postale. Les paysages
des falaises d’Opale ont été et sont encore surinvestis
par le regard et réinterprétés par l’oeuvre d’art. C’est ainsi
qu’un groupe d’artistes donna naissance à « l’école de
Boulogne » ! Quelques précurseurs s’implantèrent sur la
côte et attirèrent autour d’eux un aréopage de peintres, de
photographes. Finalement, on retrouve ici les classiques
des catégories d’expression artistique observées ailleurs
dans la région : ethnologie orientée sur les activités
maritimes, bucolisme dévolu aux pratiques balnéaires et
plus récemment esthétique des espaces naturels. Mais, les
images ne peuvent éluder ce qui fait la spécificité de ces
lieux. Les deux photographies de droite illustrent, sous des
formes conventionnelles d’expression, l’objet de fascination
que constitue la confrontation entre la terre et la mer,
confrontation qui sans cesse rappelle à l’homme la fragilité
de ses tentatives de domestication. On le devine, la mer
sera plus forte un jour ou l’autre que ces quelques maisons
qui la surplombent.
Les vacanciers d’Équihen quant à
eux semblent descendre au fond d’un gouffre, épreuve
récompensée par l’accès à la mer, et qui se paie en retour
par une pénible remontée à travers la falaise échancrée. La
maigre plage ouverte dans le corsage des falaises apparaît
minée de rochers poussant les courageux sur les quelques
mètres carrés de sable. Mais l’apport et l’originalité de ces
paysages tiennent à l’approche complètement nouvelle qui
s’y déploie : l’abstraction. Les peintures ci-contre illustrent
ce propos. Les puissances intrinsèques de ces paysages
autorisent des artistes à quitter la représentation fidèle
pour tenter d’en atteindre l’âme par la structure, le trait, la
couleur, le symbole…