Des arbres et du vent…
Arbres pliés par le vent sur les hauteurs des
falaises et arbres bruissants doucement dans les
vallons protégés… Il existe une véritable fracture
paysagère entre les espaces ouverts, vastes mais
hostiles, et les creux en coins et recoins des vallons
et des crans.
Les paysages agricoles des falaises d’Opale possèdent
une étonnante force de caractère, qui fait écho aux
magnificences des espaces du trait de côte. Les terres
ondulées et cultivées situées à l’arrière des falaises n’ont
rien à envier aux belvédères qui les devancent sur la mer. Il
existe au contraire des éléments marquants de continuité,
qui ancrent les pays littoraux dans leur histoire paysanne.
La couleur des sols, la nature de l’agriculture pratiquée sont
à relier à l’aspect de la falaise qui se déploie à l’Ouest de la
zone concernée. Au Nord, les sols pâles ou la craie affleure
en cailloux déroulent leurs cultures céréalières jusqu’à
l’à pic de la falaise blanche. L’épaisseur de calcaire que
montre la falaise, avec ses dépôts horizontaux, renvoie aux
stries régulières des sillons ; l’agriculture griffe à peine cette
masse architectonique de l’Artois. Au Sud, les herbages se
multiplient, laissant aux champs les parties sommitales. La
falaise humide ou se succèdent des couches géologiques
très hétérogènes se marie aisément à ces diversités
agricoles. La terre, modelée d’un relief agité de collines
et de vallons, se devine plus lourde. Partout cependant, la
présence de la mer, avec ses brumes et sa lumière, impose
sa gamme chromatique aux cultures comme aux prairies. Le
vert tendre des orges de printemps, le bleu éphémère du lin
en fleurs, le jaune vif des colzas ou l’or des blés se patinent
ici sous l’effet d’un air humide et salé. Ce sont les nuances
des terres cultivées qui justifient pleinement le terme de côte
d’Opale qui s’attache aujourd’hui à la promotion touristique
de ce territoire ! Le parcellaire immense et l’aspect policé
des grandes cultures rencontrent brutalement la texture
grenue des terres libres, des espaces de nature… Les
vertes prairies butent pareillement sur les teintes ocres des
espaces vagues, d’ou l’agriculture s’est retirée ou qu’elle
n’a pas pu conquérir.
Et puis, brutalement, surgit une ferme, ferme des plateaux
exposée à tous les vents, ferme des vallons protégée
d’écrans de verdure dans l’écrin de relief. Les fermes des
plateaux forcent le respect. Elles semblent aplaties par le
vent et leurs agriculteurs s’apparentent à l’évidence aux
pêcheurs, la charrue des uns correspondant au chalut des
autres… Ces mêmes fermes qui cultivent avec hauteur un
certain mépris de l’immensité marine, opposant au soleil
couchant de hauts murs aveugles. Un jour peut-être, ces
fermes basculeront dans la mer… sans s’en apercevoir. Au
sein des paysages divers de ce Grand paysage régional, la
somptueuse vallée de la Slack marque les esprits, comme
son nom qui claque comme une colère. La vallée offre avec
la régularité de ses courbes parmi les paysages ruraux les
plus harmonieux de la région, la douceur de ses villages et
de ses fonds humides. Car les inondations font ici paysage,
un paysage fragile peut-être en voie de disparition au regard
des attentes contemporaines qui visent le risque zéro. Au
pays de la Slack, la « catastrophe naturelle » revient ici et là
régulièrement, bouleversant le paysage en étalant sa lame
d’eau étincelante dans la petite plaine, transformée en un
magique miroir du ciel.
L’agriculture des Falaises d’Opale ne fait pas que tomber
dans les flots, elle recule sous les vagues urbaines en
particulier autour de l’agglomération boulonnaise. Une série
de collines un peu plus hautes entourent l’agglomération et
la sépare des paysages bocagers de l’arrière-pays. Entre
les « monts », des vallons préservent leurs prairies, leurs
arbres, leurs ruisseaux. En Boulonnais comme nulle part
ailleurs dans la région, l’agriculture a donné plus aisément
à la ville ses terres hautes, conservant les secrets de ses
vallons.