Les plateaux artésiens et cambrésiens semblent livrés à
une temporalité longue, qui les ferait presque percevoir
comme des paysages immuables, n’offrant pas de prise
aux mutations urbaines et rurales. Le cycle des saisons
s’y répète avec peu de variations perceptibles, puisque la
végétation non agricole y est plutôt rare. Et la rotation des
cultures y joue une sorte de gigantesque valse paysagère,
mais qui demeure imperceptible pour le voyageur qui ne
verra pas que le colza a pris la place de la pomme de
terre, le blé celle de la betterave, avant que les choses
ne s’inversent l’année suivante. En outre, ces paysages
donnent l’impression d’être faits pour être vus à travers une
vitre de voiture ou une fenêtre de train, à vive allure : tout
le monde y passe, personne ne s’y attarde. C’est la grande
vitesse qui fait correspondre l’immensité abstraite de ces
paysages avec l’échelle humaine, au prix d’une impression
de désertification des villages de plateau qui semblent
comme perdus au milieu du désert, un peu comme ces
motels américains situés le long de routes interminables et
ou l’on ne s’arrête que pour en repartir. De là à convoquer
le cinéma de Wim Wenders pour situer dans ces plateaux
un improbable « Paris Texas » il y a peu, et ce n’est pas
l’impression fugace laissée par les abords de certaines
nationales qui pourrait contredire cette impression
(confusion du cadre bâti, enseignes, publicités…).
ces impressions correspondent de réelles difficultés
économiques, avec des pôles urbains relativement isolés
et les lendemains de l’agriculture qui paraissent obscurs,
même sur ces terres riches. Pourtant ce Grand paysage
comporte deux agglomérations de taille significative, l’une se
situe dans le Grand paysage, l’agglomération de Cambrai,
et l’autre sur sa frange Nord, l’agglomération d’Arras. Ces
deux agglomérations, dynamiques, sont sujettes à des
évolutions urbaines qui marquent les paysages à leurs
alentours. Avec le renforcement des liaisons autoroutières,
vers Paris, l’Angleterre et la Belgique, certains espaces
présentent par ailleurs des potentiels importants de
développement pour des entreprises de transport, des
plateformes logistiques, des entreprises à l’international,
etc… Dans ces paysages de l’espace libre, ces mutations
appellent des prises en compte spécifiques, proposant
une gestion particulièrement attentive des limites des
implantations.
Enfin le Canal Seine Nord va certainement modifier le
paysage des zones humides de la vallée de l’Escaut et
de la vallée de la Sensée, tout en modifiant l’attractivité
économique du territoire : les schémas de cohérence
territoriaux de l’urbanisme prennent ici toute leur valeur.