Les wateringues
A la suite des crues
catastrophiques de
1974, et à l’initiative des
Conseils Généraux et
des services de l’État, la
création de l’Institution
Interdépartementale
Nord-Pas-de-Calais
pour la réalisation des
ouvrages généraux
d’évacuation des
crues de la région des
wateringues est décidée
en 1977. Elle assure deux
missions essentielles :
d’une part, la réalisation
et la modernisation
des grands ouvrages
d’évacuation à la mer et,
d’autre part, l’entretien
de ces réseaux et
ouvrages.
L’ensemble du dispositif
des wateringues est
constitué d’un réseau
de fossés et canaux. Ce
réseau d’évacuation a
été créé et perfectionné
au fil des siècles et est
entièrement voué à cet
objectif. Évacuer les eaux
à la mer, faire barrage
aux entrées d’eau
marine à marée haute,
maintenir le plan d’eau à
un niveau constant dans
les terres en périodes
humides, retenir l’eau
douce en périodes
sèches, tels sont les
principes constants
qui régulent la vie et la
survie des wateringues
et de ses habitants.
Depuis quelques
décennies, cet
équilibre est fragilisé
par l’urbanisation,
l’industrialisation, les
nouvelles infrastructures
qui empiètent de plus
en plus sur les terres
agricoles. Les surfaces
imperméabilisées
augmentent chaque
année. Les eaux qui
ne peuvent plus
s’infiltrer lentement
dans les sols ruissellent
instantanément vers les
ouvrages augmentant
d’autant les volumes à
évacuer à la mer.
La Flandre maritime est le paysage du Nord – Pas-de-Calais
qui a été le plus façonné par le travail de l’Homme. Comme
tous les polders (nom d’origine néerlandaise), la plaine
maritime flamande actuelle résulte du long travail de mise
en valeur des plaines littorales et de la lutte contre la mer.
Un polder désigne une étendue artificielle de terre qui a été
gagnée sur la mer par un système de digues (les renclôtures)
et dont le niveau est souvent inférieur à celui de la mer. Il
en résulte un système hydrographique très particulier car
l’eau douce se trouve piégée en arrière des digues créées
pour empêcher la mer de pénétrer la plaine. De plus, à
marée haute, l’eau de mer pénètre sous le cordon dunaire,
en formant un coin salé, et rehausse temporairement le
niveau des nappes superficielles. La topographie très basse
(le plus souvent au niveau de la mer – voire dessous) et
l’absence de pente créent des problèmes d’évacuation des
eaux. Un système de drainage artificiel doit donc être mis
en place et sert à évacuer l’eau de la plaine vers la mer.
Ce sont les wateringues (littéralement les cercles d’eau, en
néerlandais).
L’histoire a conservé des témoignages écrits de l’état de la
Flandre Maritime à l’époque romaine. Strabon nous raconte
qu’en 28 avant notre ère : « l’océan s’épanche deux fois par
jour dans la plaine et fait douter si ses parages font bien partie
de la terre ferme. Les gens habitent de petites îles et placent
leurs cabanes sur des éminences formées en quelques
endroits par la nature ou par la main de l’homme, et assez
élevées pour que les marées ne puissent les atteindre ».
Le bas Moyen-Âge (IVème siècle) est marqué par une crise
climatique. Le pays est entièrement recouvert par les eaux :
le delta de l’Aa forme alors un golfe immense qui va de
Calais à Nieuwport en passant par Saint-Omer. Les tourbes
que l’on trouve dans la région sont constituées des débris
végétaux provenant des forêts submergées par la mer. La
plaine devient un immense bassin de sédimentation (une
argile compacte se dépose et va constituer le sol d’une
grande partie de la plaine flamande). Avec le temps, le
niveau des terres remonte et le fleuve s’écoule par une
multitude de bras, dont les plus importants seront canalisés
quelques siècles plus tard.
Dans le même temps, l’action conjuguée du vent et de la
mer érige le cordon de dunes littorales. l’abri de cette
digue naturelle, la sédimentation s’accélère ; au début du
Xème siècle l’intérieur du pays n’est plus submergé que
lors des marées d’équinoxe. Les hommes n’auront plus
qu’à parachever l’œuvre de la nature. Par leur science,
leur courage et leur ténacité, ils mettront des dizaines
d’années à conquérir quelques hectares, travail maintes fois
recommencé après une tempête … ou une guerre.
En effet, pendant les deux guerres mondiales, des inondations
stratégiques sont provoquées. La Flandre maritime va avoir,
une fois de plus, à souffrir des mesures défensives décidées
à des fins militaires.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, environ 25 000
hectares sur les 40 000 hectares de la plaine wateringuée du
département du Nord, sont ainsi recouverts d’eau ou rendus
marécageux et impropres à la culture.
Cette situation dure plus de huit mois et contribue
grandement à démolir les berges du canal des Moëres et
des autres grands canaux.
Les wateringues, territoire conquis sur la mer, doivent leur
existence à un facteur sur lequel tout repose : la maîtrise de
l’eau.
Le point le plus bas du territoire français (- 4 m) est situé
sur un polder dans une commune de l’arrondissement de
Dunkerque nommée Les Moëres.