Le bucolique
Aux prémisses de la société des loisirs (congés
payés), le marais connaît une attractivité festive
basée sur les guinguettes. Puis, les plaisirs de la
pêche attirent toujours plus de monde… Pourtant,
c’est le marais agricole qui compose le cœur de
l’image d’Épinal.
L’eau est naturellement omniprésente dans les
illustrations. Hier policée à sa sortie de la ville (image
ci-contre) ou parfaitement rectiligne (nombreuses
cartes postales), elle s’offre lentement aux regards
naturalistes qui la saisissent dans la végétation ou dans
l’air, lui offrant une nouvelle liberté.
L’Audomarois cultive un paradoxe qui se traduit dans ses représentations. Il constitue à la fois un lieu ou le paysage matériel nécessite un investissement conséquent dans les faits et ou le paysage mental – au sens de signification mythique et imaginaire fait l’objet d’expressions de moins en moins nombreuses, ou pour le moins limitées au bucolique. Autrement dit le marais est un paysage du déséquilibre, peut-être historique, entre son occupation réelle et ses représentations Avant sa conquête et son aménagement, qui commencèrent vraiment à partir du Xlle siècle, l’Aa cheminait en de vastes solitudes.. Mais, les esprits – et leurs serviteurs – sans doute peuplaient ces lieux. La maîtrise de l’eau est à mettre au crédit d’un millénaire qui voulut s’imposer à la nature. Si des Vierges veillent encore ici et là, les représentations du marais oscillent aujourd’hui entre la bacôve pleine de blanches têtes de chou-fleur et la maisonnette coiffée de chaumes et bordée d’un watergang. C’est surtout le tourisme qui, conjugué à l’apparition de la photographie, donne lieu à une production massive d’images bucoliques représentant les attributs de ce paysage pittoresque, notamment par le biais de cartes postales.
Pendant des siècles, les habitants du marais devaient bénéficier d’un statut bien particulier, très différent de celui de ses riverains de loin beaucoup plus nombreux. En effet, la maîtrise du marais, qui fut progressive, s’est toujours rattachée à un bout de terre ferme Les maraîchers du XXlème siècle conservent sans doute un peu de cet esprit d’indépendance né dans les solitudes aquatiques.
Avec le développement des cabanes et autres résidences secondaires, le marais est largement plus habité aujourd’hui qu’hier. Le silence a cédé sous les bruits de la motorisation…