Les paysages du Ternois font peut-être partie de ces
paysages régionaux « menacés » de banalisation. L’idée est
ici surprenante dans la mesure ou nulle pression urbaine
ne semble s’appliquer.
Le risque de banalisation est ici d’origine agricole. La
relative faiblesse des contraintes pédoclimatiques couplée
aux évolutions lourdes du contexte économique agricole
entraînent ici comme ailleurs une « simplification » des
paysages du Ternois : bois et bosquets toujours moins
présents sur les plateaux, mais développement des
plantations dans les vallées ; prairies en recul dans les
vallées comme autour des villages. L’attention collective
est toujours moins marquée pour l’évolution des paysages
de plateaux, assez souvent mal-aimés. Pourtant, la qualité
de vie dans les villages nombreux du plateau du Ternois
dépend en grande partie de ces auréoles bocagères qui
les préservent des grands vents et les abritent des vastes
étendues cultivées. Quant aux vallées, les évolutions
possibles semblent plus préoccupantes, car ici le paysage
est vecteur historique et support économique, à travers le
développement des activités touristiques.
La création des champs d’éoliennes pose une tout autre
question. Le Ternois n’est pas un paysage extrême ; tout y
est mesure et délicatesse. L’échelle du relief, des éléments
végétaux et des constructions humaines est modeste, de
cette modestie qui fait la grandeur du monde rural. Dès
lors, les verticalités des éoliennes risquent « d’écraser »
les paysages situés « en dessous ». Cette probabilité peut
susciter deux types de réactions. L’une est positive : ce
paysage gagnera une image forte qui lui fait un peu défaut ;
l’autre, plus négative, craint que les paysages agricoles
du Ternois ne parviennent plus à faire entendre leur voix
singulière. Pour ce pays terrien, le développement d’un
avenir aérien paraît relever du paradoxe, mais permettra
peut-être de retisser des liens de solidarité entre ce secteur
très rural de la région et les zones urbaines. Dans une
volonté d’écoute attentive de toutes les opinions, il semble
que l’axe Frévent/Saint-Pol (RD 916, voie ferrée…) et
l’Est du Ternois puissent se risquer au gigantisme éolien
; tandis que l’Ouest, la confluence des deux vallées et les
sites prestigieux qu’elles abritent perdraient plus qu’ils ne
gagneraient à la présence des grandes pales grises.