Lointains
L’horizon n’est pas
immense en Ternois,
sauf en ses limites Nord,
lorsqu’il vient s’achever
sur les rebords de
l’Artois, dans le Grand
paysage régional des
Vallées et belvédères
d’Artois.
Le paysage se dénude
alors de ses arbres,
déroule ses labours
comme un tapis et
laisse le regard partir
à l’horizon pour y
rencontrer les étranges
collines du Bassin minier.
Le Ternois cultive les paradoxes. Il est peut-être l’un des
paysages régionaux les plus connus en France pour
ses anciens faits d’armes et d’arts, mais localement, il a
tendance à passer presque inaperçu au sein des paysages
des grands plateaux.
D’abord parce qu’il ne s’agit pas d’un paysage doté des
signes de la modernité, mais d’un espace évoquant la
féodalité, un peu perdu, avec ses châteaux d’un autre âge,
au milieu des grandes étendues cultivées et des vallées
fourmillantes de l’Artois. ce titre, les implantations
prévues d’éoliennes apporteront plus qu’un changement
visuel ; elles transformeront durablement l’image profonde,
intime de ce pays.
Ensuite parce qu’il s’agit d’un paysage du « pli »,
apparaissant un peu comme une mer houleuse pétrifiée,
au sein de laquelle se nicheraient des recoins propices
aux découvertes inattendues : plateaux ondulés et boisés
dissimulant des villages couronnés de bocage et vallées
habitées et foisonnantes qui masquent presque sous les
frondaisons le lit des cours d’eau.
Le Ternois est en outre un paysage isolé, à l’écart, assez
peu desservi par les axes de communication, un endroit
ou il fait bon se plonger dans la nostalgie et ou l’on trouve
d’ailleurs de belles demeures romantiques.
Comme partout en Artois, règne ici la dualité entre
plateaux et vallées. Mais en Ternois, des villages ont
laissé les vallées pour gagner les hauteurs et s’y fonder.
Il en résulte une interpénétration des ambiances inconnue
ailleurs. Compagnon des villages, le bocage décline ses
haies taillées à hauteur d’homme ou encore libres voire
arborées. Le bocage n’est pas ici boulonnais ou avesnois,
il évoque plutôt les presque forêts ou petits bois des
bocages du centre de la France. L’ambiance des villages
est donc très changeante en fonction des saisons. Si les
maisons se révèlent au dernier moment en été, au détour
d’un ultime ruban moutonneux constitué d’érables, de
chênes, de noisetiers ou de charmes mêlés, elles sont
visibles de plus loin en hiver et constituent des repères
visuels sur les plateaux.
Passée l’immédiate couronne des prés et des arbres arrive
le règne des labours. Le Ternois est un paysage cultivé,
constitué moins d’une terre à céréales que d’une terre
à betteraves et à pommes de terre. La présence de ces
champs cultivés dont l’étendue n’est jamais infinie, donne
sa très grande variété au Ternois, qui apparaît comme
une sorte de paysage « complet », très équilibré, ou la
plupart des sensations liées à la campagne se succèdent
dans l’esprit du voyageur qui en accomplit la traversée.
Les villages y apparaissent comme des havres de paix,
protégés par leurs arbres, et les plateaux cultivés ponctués
de bois donnent du champ aux élans de l’âme.
Sur ces deux éléments qui forment les termes d’une
dialectique apaisante, se greffe un patrimoine architectural
qui, comme par un effet de miroir, transforme en jardin
les paysages alentours dont il semble se servir comme
d’un écrin. Immédiatement bordés de parcs ou de haies
d’arbres centenaires, châteaux et manoirs agrémentent de
mystère cette campagne reculée, en même temps qu’ils
semblent renvoyer à une période faste.
Il ne faudrait pas oublier les belles vallées du Ternois : la
Canche et la Ternoise, qui sont juste assez larges pour que
des villages puissent s’y nicher, et juste assez étroites pour
que la perception des coteaux reste franche.