Architecture
L’église de Samer et la
maison de la faïence à
Desvres témoignent bien
des deux visages des
paysages boulonnais : la
tradition la plus profon-
de rencontre la créati-
vité la plus riche.
Les paysages boulonnais ne semblent pas prolixes dès
qu’il s’agit de se montrer. Il a fallu aller aux sources du
tourisme d’aujourd’hui pour trouver quelques images de
ces paysages « muets ». Pourtant des peintres ont sillonné
ce territoire, mais ils ont été essentiellement attirés par
la mer (Carolus Duran,
Maurice Boitel). Il faut
sans doute en déduire que
ces paysages ne sont que
très récemment devenus
des objets « pittoresques »
et qu’ils devaient à
l’époque s’apparenter à
nos actuels openfields :
des espaces uniquement
orientés vers la production
agricole qui ne suscitaient
guère
d’interprétations
poétiques. Les paysages
du
Boulonnais
sont
pourtant cités dans tous
les ouvrages de référence
sur la région Nord - Pas-de-Calais ou sur le département du
Pas-de-Calais. Mais, si la langue est déliée, le visage est
caché ou plus exactement limité à quelques photographies
contemporaines. Il faut rapprocher cette absence de
variété dans l’iconographique de celle rencontrée pour
les paysages avesnois, également bocagers, ou les villes
seules semblent drainer et monopoliser les regards. Les
données convergent et il faut bien se demander si les
bocages intéressaient les artistes au XIXème et au début du
XXème ! La « campagne » chantée en ces époques semble
plus céréalière, généreuse des blés qui donnent le pain.
Le Boulonnais
En dehors de la région,
prononcer le mot
Boulonnais revient
souvent à parler du
cheval, massif et tout
en rondeurs… comme
les paysages qui lui ont
donné naissance !
La fraîcheur des rivières voisine avec les labours et leurs
productions abondantes. Ce serait donc à partir de la fin du
XXème, après que l’agriculture « remembrée » ait presque
réussi à les détruire en Bretagne, en Flandre et ailleurs, que
les bocages ont vu changer le regard porté sur eux par les
non-agriculteurs. Bref, les paysages de bocage semblent
émerger comme paysages au moment d’une certaine
rupture dans la population
française avec l’agriculture
en général, et l’agriculture
intensive en particulier.
Ils deviennent alors le
symbole de l’agriculture
« douce »,
accordée
à
son
environnement,
productrice de produits
de qualité et garante de
« beaux » paysages. Mais,
le
bocage
boulonnais
souffre sans doute d’un
autre handicap : il est
l’arrière-pays d’une façade
littorale très attractive, qui
captive les regards. Tout se
passe comme si les falaises,
les plages, la mer avaient attiré les artistes comme des
mouches, les empêchant, comme le centre urbain d’Arras,
d’aller chercher de nouveaux sujets dans la campagne.
Enfin, l’isolement de la campagne boulonnaise est patent.
Il traîne sur le territoire bien des histoires de solitudes
tragiques comme souvent les bocages en font naître et
comme Maupassant les a cristallisées en Normandie.
Aujourd’hui, des images sont produites qui visent à attirer
le visiteur et à lui donner à comprendre ces paysages.
La question de l’émotion reste posée, telle que seuls des
artistes « libres » de commande peuvent l’exprimer…