De haut, Dedans…
Le boulonnais recèle
une richesse perceptive
unique dans la région :
il ménage le choix
entre l’immersion
« dionysiaque » dans le
paysage et sa domination
« apollinienne » sur les
reliefs alentours. la
confusion possible des
sensations d’immersion,
il oppose également la
domination intellectuelle
et analytique du paysage.
Les paysages boulonnais sont des paysages bocagers
qui proposent toutes les ambiances paysagères
caractéristiques des bocages : des courbes, des courbes et
encore des courbes ! Le relief ondule doucement, les haies
épousent les vagues du relief, les arbres proposent des
houppiers généreux et arrondis. Les villages eux-mêmes
voient s’accoler les constructions sans ordre apparent
ce qui conduit à des entremêlements de toitures d’ou les
arêtes tranchantes semblent bannies… Ces paysages
apparaissent aujourd’hui comme l’illustration bucolique
d’une France d’Epinal, avec en agrément supplémentaire
de grandes forêts, quelques bourgs et de belles vallées…
La campagne est ici douce et paisible ; il en découle une
indubitable sensation de sérénité. Une forme d’équilibre
qui doit beaucoup au règne de la courbe, ces dernières
semblant « absorber » tout ce qui pourrait agresser ces
paysages : habitat, installations agricoles, aménagements
divers. C’est un jeu de cache-cache avec le relief, mais
aussi avec les haies de toutes les formes et de toutes les
hauteurs. Il est cependant possible que les sensations
d’équilibre ressenties dans ces paysages soient également
liées au caractère immémorial que dégage cette ruralité,
qui s’impose comme le témoin d’un savoir-vivre harmonieux
avec Dame Nature. Peut-être existe-t-il ainsi un filtre dans
le regard extérieur porté sur ces paysages. Le biais d’un
idéal campagnard, qui parviendrait à masquer la modernité
à l’oeuvre ici comme partout. Le bocage boulonnais serait
un bocage comme un autre s’il ne bénéficiait pas d’une
spécificité unique : c’est un bocage en creux qui peut donc
être contemplé en contrebas depuis l’ensemble de ses
bordures. Le fond bocager de la boutonnière est un espace
encadré de points de vue, ce qui permet de s’élever au-dessus de la résille des haies et d’échapper à leur maillage
un peu oppressant pour en découvrir la structure. Le
bocage, paysage labyrinthique par excellence, devient ici
un objet de contemplation dont on peut s’extraire et dont
les lignes de forces deviennent un plaisir des yeux et de
l’esprit. ce titre les paysages boulonnais s’apparentent
aux bocages des piémonts montagnards dont la dimension
contemplative est complémentaire des sensations que l’on
éprouve à s’immerger au cœur des arbres et des arbustes.
Cuesta
Le terme « cuesta »
provient de la traduction
de « côte » en espagnol.
La cuesta se caractérise
par un relief constitué
d’un côté d’un talus
concave assez raide, et
de l’autre d’un plateau
en pente douce. La
cuesta boulonnaise est
crayeuse et son talus
pentu est recouvert
de pelouses calcaires
célèbres pour leur
richesse botanique. Les
hauteurs de la cuesta
offrent des belvédères
imprenables sur le
Boulonnais bocager.
Dans ce contexte, il est particulièrement surprenant de
découvrir que ces paysages sont également capables
de la plus grande « inventivité paysagère ». C’est en effet
l’idée d’une créativité démiurgique qui vient à l’esprit dans
le bassin carrier dont les ambiances contrastent fortement
avec le reste des paysages ruraux, le bocage s’y faisant un
peu moins prégnant. Quelles sont ces collines aux modelés
plus tranchants qui génèrent un nouveau paysage ?
Elles répondent à la violence de la terre ouverte, révélant
des infinités sédimentaires ou se cachent le marbre de
Marquise. Tout ici est un jeu de construction d’une échelle
titanesque ; lentement édifié par des norias de camions
chargés de terre.
Tout ici est un jeu d’illusions, le vrai et le faux se faisant écho. Partout, la main de l’homme modèle le paysage, mais on tend à l’oublier dans le secret des forêts ou des chemins bordés de haies. Les paysages boulonnais sont un support à la rêverie de l’action de l’Homme sur son milieu, de son pouvoir créateur. Il n’est pas innocent que le bassin carrier lui-même ait fait l’objet d’un « plan de
paysage » volontariste qui programme son aménagement dans le long terme afin de créer au sens premier du terme un nouveau paysage, un paysage tellement réussi qu’il parvient à convaincre de son naturel.