C’est la question de l’habitat et de ses mutations qui doit
être évoquée ici sous l’angle de la transversalité. Non que
la pression urbaine y soit particulièrement galopante ou
prenant des formes outrancières, mais pour deux raisons
distinctes et concomitantes, qui possèdent une dimension
didactique très forte.
Tout d’abord l’exemplarité du Montreuillois sur cette
thématique est très vive, car un petit nombre de
constructions peut avoir un impact important dans des
paysages délicats extrêmement sensibles à tout ce qui
leur est exogène. Ensuite, l’urbanisation nouvelle est
réalisée essentiellement par des constructions isolées (il
n’y que peu de lotissements ou d’opérations d’ensemble)
qui s’appuient sur les routes et chemins existants. Il s’agit
d’un phénomène d’urbanisation « à minima » comme en
connurent d’autres secteurs de la région et qui pose la
question du long terme, de la physionomie des paysages
ainsi urbanisés, et de leur fermeture aux regards des
usagers et des promeneurs.
l’origine en effet, les villages du Grand paysage régional
sont assez strictement des villages du fond des vallées.
Or les constructions neuves, cédant sans doute au très
contemporain dogme immobilier de la « vue sur », partent
à l’assaut des coteaux. Au-delà de cette évolution du
rapport à l’espace, qui privilégie la domination visuelle du
paysage, un faisceau d’hypothèses se combinent pour
expliquer cette tendance au déplacement progressif du site
villageois. En premier lieu, l’habitat est aujourd’hui libéré
d’un grand nombre des contraintes d’hier tant du point de
vue de l’approvisionnement (en eau notamment) que du
point de vue des techniques de construction. D’autre part,
les relations à l’espace agricole ont également changé,
avec des délaissés agricoles, comme ici sur les terres de
coteaux, qui ouvrent des possibilités à la construction.
Avec plus ou moins de bonheur et d’à propos, les maisons
neuves tentent d’intégrer la trame bocagère qui ici et là
accompagne les premiers mètres des routes gravissant
les coteaux. Mais le plus souvent elles ne parviennent
pas à ce jeu de cache-cache avec la végétation qui est si
caractéristique des villages de la région. Leur nouveau site
d’implantation contribue également à transformer la nature
de leur intégration dans le paysage. Sur les coteaux, la
pente est une « contrainte », que ces constructions ont
parfois beaucoup de mal à gérer, ce qui donne lieu à
des terrassements plus ou moins malheureux. Enfin, les
volumes des maisons récentes ainsi que leur matériaux
de construction introduisent parfois des ruptures nettes.
Le culte de la vue se double alors d’une certaine tendance
du mépris de celle de l’autre, voire à l’ostentation pure et
simple qui transforme l’habitat en attribut de la réussite
sociale.
Ponctuelles encore, ces maisons génèrent un effet
secondaire sans doute plus pénalisant à moyen et long
terme : en étirant doucement l’urbanisme des rues du
village, elles empêchent toute urbanisation en profondeur
et la création de nouvelles rues.
La problématique est très complexe, entre des objectifs
démographiques qui s’imposent aux communes, lorsque
par exemple elles comptent les enfants de l’école,
des citoyens « habités » par leur maison idéale, des
opportunités foncières ancrées sur d’autres logiques
que les besoins urbanistiques et enfin des contraintes
techniques et financières lourdes en milieu rural lorsqu’il
s’agit de dessiner et de décider du village de demain. Ces
paysages « très loin des villes » connaissent des pressions
urbaines croissantes qui méritent d’être prises en compte.