L’urbanisation progressive du territoire minier nécessita la
mise en œuvre d’une grande « puissance technologique »,
qui lui permit de faire fi des conditions de la surface. C’est
ainsi que des pompes poursuivent aujourd’hui encore et
pour toujours leur travail d’évacuation des eaux. Le Bassin
minier du Nord et du Pas-de-Calais depuis qu’il a perdu
sa fonction productrice – il faut rappeler la reconnaissance
nationale dont il bénéficiait alors – fait l’objet de nombreuses réflexions quant à l’avenir de ses populations, de ses
friches, de sa reconversion, etc. Il y eut des thèses qui imaginaient d’arrêter les pompes et d’ennoyer une bonne partie
du bassin, créant ainsi de vastes zones récréatives ! Épine
dans le pied d’un pays qui nationalisa les Houillères au sortir de la guerre afin d’assurer sa reconstruction, le Bassin
est aujourd’hui largement engagé dans sa métamorphose.
Vaste patchwork agricole, urbain et post-industriel, ces
paysages supporteraient sans doute mal une amnésie
volontaire visant à oublier les blessures récentes. Tout est
ici à construire autour des hommes et de leur mémoire.
Partout ailleurs, la Ville est appelée à réfléchir à son « renouvellement » ; terminologie ouvrant sur une nouvelle
conception urbaine « anti-pavillonnaire ». Le pari urbain est
ici d’une autre nature. L’urbanisation minière fut conçue
autour d’un habitat individuel déclinant toutes les modalités de la densité : le paternalisme ambiant, l’impérieuse
limitation des déplacements justifièrent la mise en œuvre
des corons, des cités. Les anciens sites miniers composent
dans la maille urbaine des poches d’espaces publics lentement réappropriés. De grandes infrastructures, anciennes
et nouvelles, irriguent le territoire…
Des canaux animent de
leurs eaux villes et campagnes minières, les grands arbres
dressent partout de hautes silhouettes sous lesquelles les
maisonnettes de briques semblent s’abriter, des forêts,
des champs, des pâtures offrent reculs et respirations…
Les paysages miniers comportent tous les germes d’une
qualité de vie urbaine vainement recherchée ailleurs.
La ville aime les histoires longues et c’est de temps dont
manque le Bassin minier. La souffrance partout sensible
justifie la volonté farouche des édiles miniers de voir se
développer des activités nouvelles. La nécessaire mise
à niveau du parc de logements explique la réalisation
de travaux de greffes parfois mal cicatrisés. L’aménagement, puis la gestion, de centaines d’hectares de friches
industrielles passera sans doute par un certain effacement
des traces sous la végétation… L’émergence récente de
la dimension patrimoniale du Bassin minier devrait conduire cependant à un certain infléchissement des politiques
d’aménagement. Chaque coron et cité, chaque édifice
public, chaque avenue, chaque bâtiment industriel raconte
une bribe de l’histoire minière… Chaque arbre, chaque parcelle agricole, chaque canal, chaque friche ancre le Bassin
dans sa géographie. La précaution s’impose ici comme
au cœur d’un quartier ancien et historique de centre-ville ; la création aussi, symbole de vitalité et « d’à venir ».