Comme de nombreuses agglomérations, la Métropole
lilloise possède ses strates successives de croissance,
telles les cernes d’un arbre coupé. L’évolution de la
Métropole ressemble à une gigantesque et interminable
opération d’agrégation du nouveau à l’ancien, ou la
notion de porte, sans cesse revisitée, apparaît comme un
leitmotiv. Curieusement, si ces portes visaient en principe
à fermer la ville pour la protéger de l’extérieur, elles ont
toujours constitué des espaces d’interface et d’échange,
jusque dans leurs avatars contemporains. Ainsi, les portes
de la place forte ouvraient sur des faubourgs qui étaient
d’intenses lieux de commerce, d’un commerce plus libre,
plus mobile et plus fugace que celui du centre-ville. Si l’on
considère que les nouvelles portes de la ville sont désormais
les zones commerciales construites dans les champs,
dans ces espaces que l’on qualifie d’ailleurs « d’entrées de
ville », cette fonction d’échange est maintenue, préservant
également son caractère populaire. Les limites de la
ville semblent toujours devoir être dépassées, avec des
épisodes de croissance plus ou moins fulgurante. Les
enceintes d’hier étaient solides, défensives ; mais, elles
tombèrent néanmoins, libérant « une poussée urbaine ».
L’étoile un peu étriquée autour de la citadelle militaire
a cédé la place à une conurbation industrielle, qui s’est
épanouie en communauté urbaine d’abord et en Métropole
aujourd’hui. Les nouvelles portes de la ville doivent donc - encore et toujours - être considérées comme des espaces
d’interface et d’échange avec ce qui n’est pas « la ville » et
donc avec « les » voisinages.
Sur le plan de leur fonction symbolique dans le tissu urbain,
ces lieux sont en marge, ils souffrent d’une image souvent
négative comme pour un paysage refoulé : on y va, on y
vit, mais on n’en parle pas. En ce sens, le parallèle peut
encore être effectué avec les faubourgs historiques, qui ne
bénéficiaient guère d’une image positive. Ces lieux sont
des espaces de brassage social, tout le monde s’y retrouve,
pour s’encanailler ou faire des affaires hier, pour y faire
ses courses aujourd’hui. Force est de constater que les
centres commerciaux d’aujourd’hui rassemblent toutes les
populations d’un territoire, celles du centre comme celles de
la périphérie et aussi celles des campagnes lointaines… Ils
constituent en ce sens des lieux uniques de convergence,
et méritent donc le nom de portes ! Tout habitant du Nord - Pas-de-Calais est un urbain, la région tout entière est
une ville… La voiture nous libère et permet l’explosion du
fait urbain, des lieux de pratiques urbaines et des valeurs
de la ville. Ce discours de la fluidité permet peut-être de
se passer à peu de frais de politiques volontaristes pour
ces espaces, regardés comme un mal nécessaire le long
des principales voies d’accès au centre patrimonial. Ces
« nouvelles » portes sont bel et bien devenues des lieux de
pratiques urbaines, dont les parkings s’animent parfois y
compris le dimanche.
Comme les faubourgs d’hier font aujourd’hui partie
intégrante de la ville, une pareille absorption est prévisible
pour les néo-faubourgs composés de hangars et
d’hypermarchés noyés dans des parkings…