Lorsque la campagne inspirait…
L’opulence des terres régionales est fréquemment vantée dans
les textes et en particulier au XIXème siècle. Cette époque
aime à chanter les campagnes.
Bien souvent les poètes hantent les villes, mais reviennent par le
verbe à leurs berceaux natals…
En effet, les hommes de lettre laissent apparaître toute la
méfiance qu’ils ressentent pour la ville, ses usines, ses miasmes… La campagne – comme par opposition – revêt tousles charmes de la vie saine et douce.
Cette poésie campagnarde ne néglige aucun des éléments
composant les paysages : cieux, ruisseaux, champs, prairies,
arbres, chemins… Tout est support d’inspiration.
L’époque ne néglige cependant pas la ville et en particulier les peintres et graveurs qui représentent paysages urbains et grands projets.
« Mon beau pays, mon frais berceau
Air pur de ma verte contrée,
Lieux ou mon enfance ignorée
Coulait comme un humble ruisseau…
… Quand le dernier rayon du jour qui va s’éteindre
Colore l’eau qui tremble et qui porte au sommeil,
 mon premier miroir !  mon plus doux soleil !
Je vous vois… et jamais ne peux vous atteindre ! »Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
« J’aime mon vieil Artois aux plaines infinies.
Champs perdus dans l’espace ou s’opposent, mêlés.
Poèmes de fraîcheur et fauves harmonies,
Les lins bleus, lacs de fleurs, aux verdures brunies.
L’oeillette, blanche écume, à l’océan des blés.
Au printemps, les colzas aux gais bouquets de chrome,
De leur note si vive éblouissent les yeux ;
Des mousses de velours émaillent le vieux chaume.
Et sur le seuil béni que la verdure embaume
On voit s’épanouir de beaux enfants joyeux (…). »Jules Breton (1827-1906) - Les champs et la mer, 1875
« Ici la terre est amoureuse… »
Parole d’agriculteur de Scarpe
« La tristesse est rêveuse, et je rêve souvent ;
la nature m’y porte, on la trompe avec peine ;
je rêve au bruit de l’ eau qui se promène,
au murmure du saule agité par le vent. »Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
« Chemins du pays d’Artois, à l’extrême automne, fauves
et odorants comme des bêtes, sentiers pourrissants sous
la pluie de novembre, grande chevauchée des nuages,
rumeurs du ciel, eaux mortes… »Georges Bernanos (1888-1948)
« Depuis Watte (sic) jusques Saint-Omer, (…) on ne peut
rien voir de plus charmant que les bords de la rivière sur
laquelle nous allions (…) l’on devient poëte à la vue de
tels objets. »Chevalier Nomis, 1714
« C’est plus encore par la grâce et la douceur du paysage
que par ses côtés agrestes et grandioses, que le pays se
recommande. »Henri Cons, XIXème siècle
« Quand on chemine dans la plaine qui va d’Arras à
Ypres, puis s’allonge, ignorante de nos frontières, vers
Gand et vers Bruges, on a le sentiment d’avancer sur
un fond dont la mer s’est retirée la veille, et ou il se peut
qu’elle revienne demain. Vers Lille, Anzin et Lens, sous
l’humus raclé par l’exploitation minière, se tassent les
forêts fossiles, le résidu géologique d’un autre cycle, plus
immémorial encore, de climats et de saisons. De Malo-
les-Bains à l’Écluse ondoient les dunes bâties par la mer
et le vent déshonorées de nos jours par les coquettes
villas, les casinos lucratifs, le petit commerce de luxe ou
de camelote, sans oublier les aménagements militaires,
tout ce fatras qui dans dix mille ans ne se distinguera
plus des débris organiques et inorganiques que la mer a
lentement pulvérisés en sable. »Marguerite Yourcenar – Archives du Nord (XXème siècle)
« (…) Au pays de ma mère est un sol plantureux
Ou l’homme, doux et fort, vit prince de la plaine,
De patients travaux pour quelles moissons pleines,
Avec, rares, des bouquets d’arbres et de l’eau.
L’industrie a sali par place ce tableau
De paix patriarcale et de campagne dense
Et compromis jusqu’à des points cette abondance,
Mais l’ensemble est resté, somme toute, très bien. »Paul Verlaine (1844-1896)
« Le gris des ciels du Nord dans mon âme est resté ;
Je l’ai cherché dans l’eau, dans les yeux, dans la perle,
Gris indéfinissable et comme velouté,
Gris pâle d’une mer d’octobre qui déferle,
Gris de pierre d’un vieux cimetière fermé.
D’ou venait-il, ce gris par-dessus mon enfance
Qui se mirait dans le canal inanimé ?
Il était la couleur sensible du silence
Et le prolongement des tours grises dans l’air.
Ce ciel de demi-deuil immuable avait l’air
D’un veuvage qui ne veut pas même une rose
Et dont le crêpe obscur sans cesse s’interpose
Entre la joie humaine et son chagrin sans fin.
Ah ! ces ciels gris, couleur d’une cloche qui tinte,
Dont maintenant et pour toujours ma vie est teinte !
Et, pour moudre ces ciels, tournait quelque moulin ! »Georges Rodenbach (1855-1898)