Clochers
Comme le gréement
des navires qui pointe
entre deux creux de
houle, les clochers
entraperçus rythment
le passage des plateaux
aux vallées, avertissant
de la présence d’un
village niché entre
deux coteaux. Les
clochers, très différents
d’un village à l’autre,
constituent un élément
essentiel du repérage
dans l’espace… pour les
familiers de ces lieux.
Une fois de plus - et il s’agit là sans doute de l’illustration
réussie d’un véritable motif régional - l’aspect le plus
marquant des paysages hennuyers réside dans l’alternance
des plateaux et des vallées. Mais en l’occurrence, la rigueur
de l’organisation conduit à un degré d’harmonie qui permet
d’associer ces paysages à ceux du Montreuillois. Les
vallées sont l’âme vivante de ces paysages. Ce sont les
multiples filets d’eau issus de la forêt de Mormal qui donnent
progressivement naissance à cette structure paysagère
en grandes vagues régulières. Une fois échappés de la
forêt, les rus préservent un cadre paysager très verdoyant,
opulent et dense : un bocage délicat fait de prairies, de
haies et de nombreux vergers. Un relief, léger encore,
ménage des surprises comme ces vieux peupliers de haute
tige qui bordent un chemin en bruissant. Petit à petit, en
direction du Nord-Ouest, les rus deviennent ruisseaux qui
deviennent rivières, les coteaux sont plus marqués et les
paysages changent : ils gagnent en simplicité et donc en
lisibilité, en évidence. La végétation se fait moins dense,
moins bocagère au sens ou elle ménage de plus en plus
d’ouvertures sur les coteaux, les hauteurs… Les vallées
sont bien sûr encore herbagères, mais le bocage dans sa
modénature avesnoise dense et fournie n’est plus de mise.
Les prairies ne sont plus systématiquement encloses, leur
taille augmente, de temps en temps une parcelle cultivée
s’immisce, pour lentement devenir la norme.
Des talus et des portes
La qualité des transitions
qui permettent de passer
d’un paysage dans un
autre est, à toutes les
échelles, un gage de
sérénité. Car la porte
annonce le futur comme
elle évoque le passé. Dans
les paysages hennuyers,
de nombreuses portes
possèdent d’indéniables
qualités ; celles de la ville
forte du Quesnoy viennent
immédiatement à l’esprit.
Dans les campagnes,
les hauts talus herbeux
remplissent le même
office de cadrage.
Au fur et à
mesure que les vallées tracent des sillons plus profonds,
les plateaux prennent de l’ampleur, de l’ouverture. La
qualité des paysages hennuyers tient en grande partie
de cette imbrication progressive entre deux paysages très
typés : les plateaux céréaliers occidentaux et le bocage
oriental. Paradoxalement pour une description sensitive,
ces paysages nécessitent de la part de l’observateur un
minimum de connaissances pour échapper aux pièges de
l’archétype, un peu monotone bien que toujours renouvelé,
de l’alternance des plateaux et des vallées. Ces paysages
demandent d’aller au-delà de la sensation première, pour
découvrir la subtilité des glissements qui finalement font la
spécificité des ambiances paysagères en Hainaut. Il faut
d’ailleurs mentionner les somptueux passages entre les
hauteurs et les fonds, véritables moments de symbiose
entre ces deux éléments de base : routes plongeantes,
imposants talus herbeux, surplombs de toutes natures
qui ménagent des entrées théâtrales et des sorties
métaphysiques, aspirées vers les cieux.
L’habitat s’organise également peu à peu différemment
entre la périphérie avesnoise et les parages des
plateaux cambrésiens et des pays miniers. Aux abords
de Mormal, l’habitat se diffuse au coeur des vergers ;
tandis qu’à l’Ouest et au Nord, les villages sont groupés,
tout en restant cependant inféodés aux vallées. Cette
disposition engendrant une image d’Épinal en ces lieux :
un bombement labouré au premier plan découvre comme
un voile une moitié de clocher, bien avant que les premières
toitures n’apparaissent. Car les villages aiment l’eau et ne
s’en éloignent guère. D’ailleurs, dès que la vivacité des
eaux le permet, les villages et les bourgs présentent un
patrimoine industriel marquant, mais qui pourtant s’intègre
aisément au sein des imposantes architectures rurales du
territoire. Enfin, il ne saurait être question des paysages
hennuyers sans mentionner l’importance et la diversité des
« petites » villes qui ponctuent son espace et composent
un vaste calendrier historique de Bavay à Solesmes en
passant par Le Quesnoy.