Paysages de saison
Le maïs n’est pas la
culture dominante des
paysages hennuyers.
Il vient ici et là se
substituer aux prairies,
sans que soient
conservées les haies
bocagères. Cette culture
introduit un véritable
« calendrier paysager ». En
effet, les perceptions en
pays bocagers sont assez
constantes par-delà les
saisons. Avec le maïs, la
hauteur de végétation
dépasse la taille humaine
(on fait des labyrinthes
de maïs !) et masque
donc les paysages en
profondeur.
La campagne hennuyère offre l’image d’une ancienne
gloire agricole, aujourd’hui malmenée, laissant ça et là
les traces évidentes de l’opulence. Le bâti agricole, très
imposant, renforce cette impression d’un terroir généreux
et productif, ancré sur le modèle de l’agriculture nordiste,
qui mêle avec harmonie élevage et grandes cultures. Ce
sont les ambiances villageoises qui parlent ici plus que les
champs eux-mêmes. Aux abords des agglomérations de
Cambrai ou de Valenciennes, la périurbanisation - certains
villages peuvent être décrits comme des quartiers chics
de ces agglomérations - a déjà profondément modifié les
fonctionnalités du cadre bâti et au-delà l’ensemble des
rapports à l’espace et à ses usages. Dans les lieux les plus
reculés du Hainaut, il règne dans les villages un silence
significatif et l’on devine la difficulté de ces communes à se
forger un avenir.
Exceptions qui infirment la règle
Au registre des surprises
présentées par les
plateaux : les fermes
isolées. Rares, ces
dernières ne manquent
jamais de susciter la
curiosité. La ferme est le
plus souvent entourée
d’un ensemble prairial
ponctué de quelques
arbres ombrageant bien
souvent un point d’eau
superficiel. La solitude
est le premier mot qui
vient à l’esprit ; ces
fermes, par le sentiment
qu’elles génèrent,
amplifient toujours
le plateau qu’elles
occupent.
Au-delà de ces ambiances villageoises contrastées,
les paysages de campagne reposent sur l’alternance
de plateaux ouverts et labourés et des vallées d’abord
bocagères et secrètes puis progressivement amples
et spacieuses. Les plateaux hennuyers proposent des
dimensions relativement modestes par rapport aux plateaux
cambrésiens ; ce qui en fait moins des lieux ou la vue se perd
que des lieux ou la surprise est sans cesse attendue. Pour
qui chemine à une certaine vitesse, en voiture par exemple,
le plateau est la respiration profonde mais brève avant la
prochaine vallée annoncée bien en amont par le houppier
des arbres ou l’éternel clocher. Des éléments viennent
par ailleurs parer ces étendues, multipliant les plans,
diversifiant les vues. Les plateaux sont tout de simplicité,
nus, offerts, labourés à l’Ouest, quelques peupleraies
apparaissent aux alentours de Le Quesnoy, tandis que plus
au Nord, les petits bois se multiplient. Au Nord-Est enfin,
ils sont plus habités et les traces bocagères se multiplient.
Ces « reliques paysagères » témoignent d’une réversibilité
de l’usage agricole de ces plateaux et donc des paysages.
Les haies bocagères qui bordent aujourd’hui des champs
labourés témoignent d’un mouvement historique d’avancée
puis de recul de l’élevage, et donc du bocage, au Sud de
la Sambre. Sans doute une partie des terres labourées
aujourd’hui furent-elles volontairement transformées en
prairies à une époque ou la production de viande et de lait
était nécessaire aux bassins industriels de Maubeuge ou du
Bassin industrialo-minier. Cette « plasticité » des terroirs doit
être une leçon : les paysages agraires évoluent en fonction
des besoins des populations et - singulièrement depuis que
la population française vit en ville - suivant les besoins des
populations urbaines. Dans un contexte de concurrence
foncière accrue par la nature des développements urbains
à l’oeuvre, une simple haie bocagère est un support de
questionnement, un lieu de mémoire et donc… un paysage !
L’évocation du « bocage fantôme » des plateaux du Nord-Est
conduit tout naturellement à parler des vallées. Le chevelu
dense des ruisseaux échappés de Mormal tisse une maille
bocagère serrée, très verdoyante, mais également très
habitée. Gagnant en largeur et en amplitude, ces vallées
préservent toujours un cadre champêtre bruissant de
végétation, quand bien même l’ensemble des parcelles sont
labourées. Entre Bavay et la frontière, les vallées proposent
des paysages plus brutaux, plus chahutés également en
matière d’orientations. Et comme l’habitat est également
plus dispersé, la lisibilité des enchaînements plateaux-
vallées s’en trouve considérablement perturbée, ce qui
achève de faire du Hainaut un paysage de la surprise…