Rites de passages
Le haut et le bas ne
sont jamais très éloignés
dans ces paysages ; les
plateaux se devinent
au fond des vallées,
les vallées soulignent
d’ombre les labours des
plateaux. « l’unisson »
est le mot qui s’impose !
Malgré leur modestie tranquille, les paysages du
Montreuillois constituent l’un des fleurons de la région
Nord - Pas-de-Calais. L’alternance des plateaux et
des vallées rejoue en mode mineur l’une des partitions
favorites des paysages des hauteurs artésiennes, mais
d’une manière beaucoup plus intime et précieuse. En
effet, la succession, ailleurs très ample, se déroule ici en
miniature, tant les plateaux et les vallées de cet arrière-
pays littoral sont de petites dimensions.
Dans les vallées affluentes de la Canche, la Course, la
Créquoise ou encore la Planquette déroulent leurs eaux
vives et bruissantes entre prés et villages. Le regard peut
embrasser d’un seul mouvement de tête la naissance de
la vallée, sur les petits plateaux, et son épanouissement
sur une largeur de cent à deux cent mètres tout au plus.
L’impression qui en émane est celle d’un « micro-paysage »
ou tout est à l’échelle humaine, ou la mémoire des
paysages perçus s’accorde de la lenteur du promeneur,
chaque coup d’oeil offrant sa part de richesses, de
découvertes. Les plateaux eux-mêmes n’effraient pas le
marcheur, tant sont visibles, là au bout du chemin, les
houppiers des arbres qui signalent la prochaine vallée, le
prochain havre d’ombre et de fraîcheur. C’est lorsque le
relief bascule, à la rupture de pente, que se bousculent
également les sentiments : l’espace de la terre et du ciel
qui dominaient sur les plateaux s’éparpille et s’émiette
dans chacune des nuances de la végétation et des
villages nichés au bord de l’eau.
Ainsi, l’enchaînement des deux physionomies paysagères
est très doux, très harmonieux, notamment du fait des
talus, ou « rideaux », qui habillent d’herbes hautes ou de
fourrés sombres les croupes des coteaux comme celles
des plateaux. Les rideaux évoquent des gabions terreux
qui limitent la pente, adoucissent le relief et rythment la
terre du Montreuillois de leurs zébrures fines. Le paysage
semble dessiné par un maître appliqué à souligner chaque
mouvement du sol, chaque mouvement de l’ombre… Les
rideaux des coteaux et des plateaux répondent aux haies
des vallées, les chemins creusent des sillons, l’herbe
conquiert la naissance des vallons, l’architecture souple
de torchis et de tuiles épouse également l’ondulation
terrestre.
La vocation résidentielle et récréative des lieux en a
presque comme naturellement découlé, puisque l’on
recense une grande quantité de résidences secondaires,
dans ce Grand paysage régional qui est un paradis pour
les urbains, à la fois bucolique et proche de la mer. De
fait, plus l’on se rapproche de la côte, plus la pression
urbaine est perceptible dans les villages, ce d’autant plus
que l’autoroute A16 met Boulogne ou Calais à portée de
voiture.
Plus ample et plus plate que ses voisines affluentes,
la vallée de la Canche propose des paysages assez
différents entre les villes de Montreuil et d’Hesdin qui,
chacune à sa manière, marquent le cours du fleuve.
Mais ce n’est pas l’ouverture qui domine ici ; tant les
boisements de peupliers ont fermé les perspectives,
masqué les coteaux, caché le cours d’eau lui-même.
Ces boisements ont interdit la découverte par le Sud du
site de la ville forte de Montreuil, à tel point que seule la
signalisation permet de suppléer à la découverte visuelle
de l’étonnante ville perchée. Dans une certaine mesure,
ces boisements séparent également le site de la vallée
de la Canche de celui de son estuaire marécageux,
coupant à Montreuil son ancrage maritime, que le nom
de la ville cherche pourtant à rappeler.