JDD du 22 mai 2014 : Mobilité résidentielle et mobilité quotidienne : la vulnérabilité des ménages picards en jeu ?

Alors que la mobilité est un enjeu particulièrement important du point de vue de l’emploi, des services et des liens sociaux, la Picardie est la première région de France en termes de distance quotidienne parcourue par ses habitants.
Au niveau national, l’analyse de la mobilité révèle de surcroît un allongement des distances parcourues et une mobilité majoritairement contrainte (domicile/travail, domicile/études, domicile/services).

Les Picards sont en effet exposés à la nécessité croissante de déplacement résultant du maillage de la région (petites villes et bourgs majoritaires), de sa position en tant que territoire de transit (Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, proximité rémoise), mais aussi des phénomènes de péri-urbanisation et d’étalement urbain qu’une croissance démographique tirée par les communes rurales favorise.

Ces contraintes de déplacement se doublent d’une potentielle vulnérabilité liée aux aléas des coûts de l’énergie. Or, le parc de logement picard étant plus ancien que la moyenne nationale et présentant un taux élevé de logement médiocre, la précarité énergétique devient à double titre une question centrale.

Si la précarité énergétique est dorénavant bien prise en compte par l’action publique (programme Habiter Mieux), cette dernière concerne surtout le domaine du logement et n’aborde encore que peu celui de la mobilité.
Il apparaît donc qu’en région Picardie, le bon équilibre entre localisation résidentielle et nécessité de déplacement est un enjeu à prendre en considération.

Ce JDD a donc eu pour objectif de mieux cerner la double vulnérabilité des ménages liée à celle des territoires, d’apprécier le niveau de conscience des ménages face à ces enjeux, et d’aborder les pistes explorées, ou initiatives mises en œuvre, afin de mieux appréhender la problématique et y répondre.

Tristan GUILLOUX, du CEREMA (centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), a présenté une étude menée en 2011 sur l’ensemble de la métropole lyonnaise. Elle offre une cartographie des territoires vulnérables qui, associée à d’autres recherches, permet de cibler les territoires et les populations les plus fortement concernées par la vulnérabilité énergétique, et d’éclairer les mécanismes d’une insécurité énergétique grandissante.

Patrick LE SCOUEZEC, de l’INSEE Picardie, a contextualisé cette approche par l’analyse de la vulnérabilité des territoires picards. Il s’est pour cela appuyé sur les nombreux déplacements domicile-travail des picards et un focus sur la précarité en milieu rural (monétaire, énergétique, compte tenu de l’éloignement des services et emplois, etc.).

Tristan GUILLOUX ayant évoqué quelques pistes d’actions, une des réponses pouvant être apportée en milieu rural a été présentée par Marie-Annick BLANCHARD, de la communauté de communes du Pays du Noyonnais. Sur ce territoire, un système de transport à la demande a été mis en place pour contrecarrer les difficultés rencontrées en termes de mobilité et soutenir les ménages vulnérables. L’intervenante a présenté le fonctionnement, les dessertes, le coût, ainsi que l’usage réel qui est fait de ce service en œuvre depuis 2011.

Après la pause, l’accent a été mis sur la prise en compte par les ménages des déplacements engendrés dans le cadre d’une mobilité résidentielle.

La question était de savoir si les ménages étaient sensibles, dans le cadre d’un projet immobilier, au facteur coût de l’énergie (qu’il concerne le logement comme les déplacements), ou si des solutions/sensibilisations étaient proposées aux ménages potentiellement vulnérables.

Joël MEISSONNIER, sociologue au CEREMA, a enquêté sur le processus décisionnel des accédants à la propriété, dans les métropoles de Lille et Lyon, pour comprendre la place des critères énergétiques. Il relève ainsi que, de par son actualité, la notion de transition énergétique entre progressivement dans les représentations sociales. Elle semble cependant moins ancrée dans les pratiques à l’échelle individuelle et familiale. Plusieurs cas de figure se présentent allant d’un changement radical de comportement à la continuité, la plupart des ménages déployant plutôt des formes d’ajustement par pragmatisme (par souci d’économie par exemple, ou de distances jugées raisonnables).

C’est pourquoi divers acteurs locaux ont intégré à leur service aux particuliers cette dimension, afin que les ménages accédants puisse prendre en compte les différents aspects énergétiques liés à l’acquisition d’un logement.
L’ADIL (Association d’information sur le logement) de l’Oise notamment, apporte des conseils aux accédants à la propriété et délivre dans ce cadre des conseils financiers.
Ainsi que l’a présenté Nicole LEHUEDE, les juristes de l’ADIL tiennent compte du budget déplacement (le facteur temps n’est plus seul comptabilisé) ou de la nécessité de réaliser de lourds travaux de rénovation énergétique, pour aider le ménage dans sa prise de décision.
Le groupe Procilia, représenté par Marie-Laure LAFON, propose des prestations dans le domaine d’Action Logement (1 % logement versé par les entreprises pour améliorer les conditions de logement des salariés). Il intègre dans ses critères de priorité pour l’accès au logement locatif ou pour l’aide à l’acquisition d’un logement la notion de distance domicile/travail, ou de précarité énergétique subie. Il délivre également des aides aux bailleurs sociaux en intégrant les notions de proximité et de réhabilitation, et accompagne les ménages vulnérables au travers d’un accompagnement social ou à la mobilité géographique.

La matinée s’est achevée sur une présentation par Yannick PAILLET des pistes d’actions proposées par l’ADEME pour favoriser une mobilité inclusive (cf. support de présentation).
Relevant dans un premier temps les divers freins à la mobilité (dépassant les critères économiques et matériels), il a rappelé que la mobilité est un facteur clé d’insertion et d’accès à l’emploi, d’où l’exploration souhaitable de 8 champs d’intervention pour favoriser la mobilité des publics vulnérables.
Enfin, répondant aux interrogations de Joël MEISSONNIER, la question d’outils de mesure de l’impact du choix de localisation résidentielle et des modes de transport a été abordée.

L’ensemble des présentations de la matinée sont disponibles ci-dessous.

Tristan GUILLOUX :

1-Mobilité résidentielle-mobilité quotidienne:double fardeau ?_Guilloux

Pour aller plus loin :
 Article : MOBILITÉ QUOTIDIENNE ET VULNÉRABILITÉ DES MÉNAGES
 Le budget énergétique des ménages - Atlas des territoires vulnérables
 5ème séminaire DUE "Déplacements-Urbanisme-Environnement" - 7 novembre 2013, Certu,CNFPT et ADEME

Patrick LE SCOUEZEC - INSEE Picardie :

2-Exemple de territoires vulnérables en Picardie_LeScouezec

Marie-Annick BLANCHARD - transport à la demande :

3-T_Lib_CCPN

Joël MEISSONNIER :

4-mobilité quotidienne et localisations_Meissonnier

Pour aller plus loin :
Pré-print d’un article à paraître (2014) dans Shs Web of Conference :

Article_MEISSONNIER_VF

Nicole LEHUDE - ADIL 60 :

5-Appreciation_deplacements_pendulaires_ADIL

Marie-Laure LAFON - Procilia :

5-Actions Procilia_M-L-Lafon

Site internet www.procilia.com

Yannick PAILLET - ADEME Picardie  :

6-MobiliteInclusive_PAILLET

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