Innovation publique, les conclusions du 1er webinaire du 4 novembre sur la résilience territoriale « Trouver matière à réfléchir et surtout à agir » (pour les transitions), c’était l’objectif affiché par le CVRH d’Arras le 4 novembre dernier. Rassemblant plus de 130 participants, des 5 DDT-M et de la DREAL des Hauts-de-France, mais aussi une quinzaine d’autres services publics intervenants dans les missions de la transition écologique et solidaire, ce 1er webinaire organisé par l’équipe projet en partenariat avec la DREAL et la DDTM du Nord, avait pour sujet principal, la résilience territoriale. Le parti pris de la démarche « Agir pour les transitions dans les Hauts-de-France » engagée à l’occasion de cet événement est d’intégrer une approche transversale et interdisciplinaire ouverte, en s’appuyant sur l’ensemble des objectifs de développement durable qui cadrent toutes nos missions, des ODD présentés par deux de nos ambassadrices du développement durable pour rappeler l’enjeu de cette approche transversale. Le sujet de la résilience territoriale est un sujet général qui s’impose comme le moyen de traverser les crises successives. Le choix est d’entrer dans le volet social, autour de l’enjeu de « N’oublier personne sur le chemin de la résilience » en mobilisant deux intervenants de référence sur le sujet, un grand témoin local d’une part et une chercheuse française intervenant depuis les Etats Unis d’autre part, mais en mobilisant également des décideurs, directeurs des services de l’Etat local. Quels sont les leviers à mobiliser ? C’est tout l’enjeu d’initier les échanges sur le sujet à l’occasion de ce webinaire, afin que chacun identifie des solutions pour agir. Retrouvez dans cet article quelques pistes à expérimenter. L’intégralité des échanges initiés en séance, via les débats ou via le tchat, se révélant extrêmement riches, vous retrouverez en bas de page le replay du séminaire, les questions du tchat et les réponses, mais aussi toutes les ressources rassemblées et expérimentées par l’équipe projet disponibles en lignes. Voici quelques exemples de réponse trouvés à l’occasion de ce séminaire pour s’inspirer et agir. Un cap commun, les ODD : pour ne laisser personne de coté il est important de répondre à tous objectifs de développement durable. Avec une stratégie qui s’appuie sur la feuille de route nationale, l’enjeu des ODD est à la fois universel, et porté depuis 2015 par 193 états membres, mais aussi local, avec la possibilité de territorialiser cette approche. En seulement 10mn, nos ambassadrices Vanessa Hermès Courcier et Anne Furon, ont relevé le défi de démontrer les enjeux, les gains et les opportunités, mais aussi des exemples d’utilisations des ODD appliqués à nos sujets, avec un test réalisé collectivement en séance mais aussi des ressources partagées dans la « boîte à outils » ressources du séminaire pour aller plus loin sur ce sujet majeur (1).Intégrer les ODD est un premier levier pour agir, avec la nécessité de prendre en compte des thématiques auxquelles on n’aurait pas forcément pensé, mais aussi de créer des (nouveaux) partenariats. Cette démarche nous impose une vision systémique et de sortir de nos tuyaux d’orgue, pour opérer les transitions indispensables. Analyser l’état des lieux des indicateurs de développement durable peut également participer à comprendre pourquoi nous en sommes là. Actif depuis 30 ans dans notre région dans la lutte pour la dignité, au delà de la pauvreté, Pascal Percq, vice président, bénévole ATD Quart monde National et journaliste, refuse 3 choses : – la fatalité de la pauvreté : « non, ce n’est pas parce que nos parents sont pauvres que nous serons pauvres ! » – la culpabilité : il faut lutter contre la stigmatisation, éviter de juger et agir contre les idées reçues « les personnes en situation de pauvreté ne sont pas coupables de leur situation mais ils sont culpabilisés et se sentent incapables »), – le gâchis humain, « 9 millions de personnes sous le taux de pauvreté ne demandent qu’une chose, …travailler. » Sur la base des retours terrain, Pascal Percq témoigne : « La question de l’énergie est essentielle dans les familles et elles n’ont pas le choix dans l’habitat social (…). Les familles vivent des minima sociaux mais ce n’est pas suffisant pour vivre dignement » Violences institutionnelles : « Les personnes pauvres doivent justifier de ce qu’elles font. Elles ont le sentiment d’être toujours jugées sur leurs manques, et pas leurs capacités" Stratégies de résilience observées localement : « Les territoires abandonnés par l’industrie concentrent pauvreté et pollution mais dans ces territoires on constate une énergie et le courage pour survivre », « On constate beaucoup de solidarité » , « dans les quartiers beaucoup de jeunes aident à faire les courses. » « La résilience territoriale ne peut passer qu’avec l’appui de ces personnes qui combattent tous les jours ces difficultés et les moyens de les dépasse or les personnes pauvres ne sont pas associées à cette transformation. Si ces personnes ne sont pas associées, ça ne marche pas ». Ce témoignage étayé met en évidence des leviers pour mieux agir, et considérer les personnes en situation de grande pauvreté pour penser et définir les transformations publiques locales, dépasser la simple association et sortir des cadres institutionnels habituels inadaptés à ce public, en allant à leur rencontre pour intégrer leurs enjeux, agir avec elle, et non agir en leur nom. Intégrer ce témoignage suppose de changer de posture, pour assurer le concours de ses personnes, de changer de regard. Partageant son expertise depuis l’Institute of advanced studies Princeton aux USA, Florence Jany-Catrice, professeur d’économie à l’université de Lille et chercheuse au Clersé (affilié au CNRS), met en évidence certaines conclusions issues de ses travaux. Les limites du PIB et de la croissance : ce modèle économique a été construit après la seconde guerre mondiale avec un enjeu de reconstruire les sociétés sur une base industrielle et marchande. Le PIB est devenu la finalité des collectifs, mis en avant au niveau national et au niveau régional. Cette approche peut aujourd’hui sembler anachronique et pose 4 défis : – Le PIB ne fait pas de distinguo entre activités nécessaires et activités dommageables. C’est une construction statistique qui compte toujours comme positive toute activité dans un cercle de croissance économique. – Vu comme une approximation du bien être, le PIB n’intègre pas des activités essentielles. Ainsi l’activité domestique ou le bénévolat , qui sont par nature non monétaires et non marchands, sont absents des comptes alors de la capacité à l’altérité est une source de bien être collectif. – La croissance économique ne dit rien de la répartition des richesses. Vous pouvez trouver simultanément croissance économique, mais aucune répartition. – La croissance économique est un indicateur de flux mais elle ne dit rien des stocks, de ces communs qui constituent notre patrimoine, dont le patrimoine écologique. Les travaux des historiens réalisés sur la période de 1945/1975 , montrent que cette croissance de flux s’est réalisée au détriment de la préservation des patrimoines de l’Humanité. Mais Florence Jany-Catrice nous alerte : « Attention toutefois à ne pas réifier les indicateurs. », (…) « je me méfie de l’arrogance de celui qui vient avec un indicateur alternatif »,« A-t-on besoin de tout ça pour retrouver nos fondamentaux ? » L’incapacité à vivre ensemble « sera la plus grande crise du 21eme siècle ». Elle constate une véritable crise de la confiance dont la fonction publique fait les frais, « une défiance de plus en plus forte entre les acteurs ». Avec l’exemple actuel des élections présidentielles aux Etats Unis, on constate l’incapacité à se parler, l’absence de partage de valeurs. « Les patrimoines sociaux sont absolument essentiels pour le vivre ensemble. » Par ailleurs, il faut de « l’appropriation sociale sur la question du développement durable et de l’énergie alternative, même si c’est chronophage et que cela suppose de partager des zones de pouvoir » Dans les initiatives qui sont prises, il y a 3 types de démarches : – Des démarches d’expert, avec un langage d’experts et les présupposés économiques de la monnaie, qui donnent un prix à la nature, comme à la dignité humaine. – Des démarches plutôt individualistes qui partent de l’idée que les questions de développement durable et de résilience sont trop compliquées et qu’il vaut mieux interroger individuellement les acteurs, mais cela fait appel aux préférences individuelles, alors qu’il est essentiel d’être dans le dialogue pour monter en intelligence collective sur un sujet d’une telle complexité. – Des démarches de démocratie délibérative « Dans ces expérimentations on pourra trouver une sorte de « vérité délibérative » car chacun a une partie de la vérité dans ce vers quoi il faut aller » « On a toujours des capacités d’agir » ! Sur la base de ce postulat, elle invite à la réflexion, à dépasser la question du fatalisme et celles de l’adaptation, pour identifier les causes racines des crises actuelles : « Ce sont nos constructions sociétales qui nous ont conduit à la situation d’aujourd’hui ! », « Il existe beaucoup de controverses sur le thème de l’économie qui tirent sur les responsabilités individuelles mais pas sur les responsabilités collectives ». On ne pourra pas avoir pour objectif une croissance absolue, fut-elle verte. Il faudra accompagner les activités par des systèmes de sobriété. Croissance ou décroissance ? Plutôt que de répondre à cette question, la chercheuse nous invite à la prise de distance, pour s’intéresser à la question d’identifier « ce qui semble absolument indispensable, sur quoi on pourrait mettre toute notre énergie ». « Il s’agit quasiment d’un changement anthropologique dans notre manière de voir le consumérisme ». Elle invite plus généralement à identifier dans nos territoires des lieux où l’on interroge ces questions et à développer cette démarche. Faisant écho au témoignage de Pascal Percq, Florence Jany-Catrice présente des retours d’études menées sur le confinement : « Voila un magnifique exemple avec la COVID, où les familles ont supplées les services publics, avec un surplus d’activité domestiques » et « une inégalité dans partage des tâches selon les enquêtes notamment une suractivité des femmes, (…) qui ne se voit pas dans les comptes ». A l’occasion d’une table ronde, les directeurs de la DDTM du Nord, de la DREAL des Hauts de France et de la DDCS du Nord ont été invités à partager leurs visions avec les intervenants sur le rôle de l’Etat pour favoriser la résilience. Peut-on laisser aux agents la liberté d’innover ? Oui, nous avons tous des marges de manœuvre ! C’est ce que valorise les trois directeurs qui confirment l’existence de marges de manœuvre pour les agents des services de l’Etat local. Pour la DDTM du Nord, Eric Fisse le valorise ainsi : « On a tous des leviers propres, il ne faut pas les oublier : accès logement, hébergement, rénovation énergétique, mobilité et transport »,(…) « Pour la DREAL, Laurent Tapadinhas confirme et élargit le périmètre d’action « Notre marge est encadrée, mais elle ne doit pas freiner notre capacité d’adaptation, qui peut s’exercer dans différentes voies en lien avec la résilience ». Enfin, Emmanuel Richard, témoigne pour la DDCS, de l’implication des agents, mobilisés au quotidien sur les questions d’urgence pour répondre aux besoins de trouver des logements, de l’aide alimentaire… Florence Jany-Catrice souligne le décalage entre le vocabulaire hyper contractualiste qui veut redonner de la marge au acteurs, et en même temps les enchâsse et leur fait perdre aussi une partie de leur capacité réflective, qu’elle trouve presque inquiétant : « Où se discutent les questions qui expliquent pourquoi on en est là aujourd’hui et pour quelles finalités ? On est dans une crise inédite, sanitaire, sociale et économique, comment les pratiques sont-elles réinterrogées ? Y a-t-il des réflexions menées ? » « Si on veut se questionner, il faut partager avec des gens qui ont des perspectives différentes et c’est justement tout l’intérêt de cette démarche engagée dans les Hauts de France #Agir pour les transitions » Les échanges ne font que commencer ! Le débat est ouvert, conclue Nathalie Lourdel. Anne-Lorraine Lattraye, directrice du CVRH d’Arras, conclue en remerciant tous les acteurs et en donnant le prochain rendez vous : « On a bien conscience, avec un format court de ce type, qu’on ne fait qu’effleurer des sujets complexes », mais « on espère que cette démarche vous donne envie d’explorer plus loin, d’aller voir les ressources réunies pour vous par l’équipe projet, d’en parler ensemble, de retrouver des marges de manœuvre, et de trouver la capacité d‘agir malgré nos quotidiens chargés. » Quelle est la différence entre la pauvreté et la misère ?, Avez-vous pu constater une réduction significative de la précarité énergétique en Hauts-de-France depuis ces dix dernières années ? Comment voyez-vous le rôle de l‘Etat pour favoriser la résilience ? Comment stimuler le multilatéralisme dans la contractualisation ? (…)… De nombreuses réflexions et questions ont été posées à l’occasion de ce séminaire, que vous retrouverez dans les ressources accessibles ci-dessous. Une enquête déjà menée par le CVRH d’Arras auprès des participants permettra d’identifier les points forts, les attentes et les postes de progrès pour la suite. Car ce n’est que le début de cette démarche collective, ce premier événement inaugurant un cycle dédié au sujet de la résilience territoriale. Et après ? La démarche « Agir pour les transitions » traite un thème par quadrimestre pour créer une dynamique constructive dans la région des Hauts-de-France. Après la résilience territoriales, d’autres thèmes seront abordés en 2021, 2022… Prochain rendez vous, le 14 décembre " Des collectivités des Hauts de France sur le chemin de la résilience !"de 13h00 à 14h30, inscrivez vous ! Accéder au questions/réponses, aux travaux des intervenants via le padlet sur le webinaire https://cvrh-arras.padlet.org/lourdelnathalie/5nq5fabmwqlz5a1d Regarder la vidéo du webinar en ligne (1 h 40) : https://dreal-hauts-de-france.fr/conference/conference-sur-la-resilience-territoriale-du-04-novembre-replay-2020-11-04.mp4 Pour en savoir plus, consulter les ressources compilées et testées par les acteurs de la démarche : - (1) Les objectifs de développement durale (ODD) : https://cvrh-arras.padlet.org/lourdelnathalie/ue7r6v6gvdlfeqn8 - Qu’est-ce que la résilience territoriale ? https://cvrh-arras.padlet.org/lourdelnathalie/9xglyr1pui2dfimc - Quels sont les enjeux et facteurs de la résilience territoriale pour les Hauts de France ? https://cvrh-arras.padlet.org/lourdelnathalie/41o7s795dejp4d7o - La résilience est une mise en mouvement : comment participer à cette dynamique ? https://cvrh-arras.padlet.org/lourdelnathalie/itbzcvxn82ax4tye Consulter l’article présentant les conclusions du 2ème séminaire sur la résilience territoriale Documents joints PDF | 4.9 Mio Télécharger