De nombreuses campagnes françaises reculées partagent
le destin et les enjeux qui touchent le Haut Artois. Dans ces
paysages ruraux éloignés des principaux centres urbains,
les paysages villageois sont plus bavards des évolutions en
cours que les paysages agricoles. Si ces derniers semblent
sereinement dérouler le manteau vert et or de leurs
cultures, les villages renvoient des images plus sombres.
Au regard des modèles de la vie contemporaine, dans une
des régions les plus urbanisées de France, les paysages du
Haut Artois peinent à préserver des dynamismes propres
tant du point de vue de la démographie qu’en matière
économique. L’isolement se perçoit dans les paysages
des rues villageoises et celles des bourgs plus importants :
les maisons apparaissent moins apprêtées, certaines
sont abandonnées, tandis que des façades commerciales
attendent des repreneurs…
Dans ce contexte, les projets de développements éoliens
prennent un relief particulier. Quel territoire peut imaginer
de voir sa population diminuer sans réagir ? Quelles
alternatives économiques promouvoir dans un pays voué
à l’agriculture, qui ne dispose aujourd’hui que d’un faible
potentiel touristique (il faut d’ailleurs garder en mémoire,
que les voisinages ont déjà fortement structuré leurs offres :
littoral, Parc naturel régional, vallée de la Canche…) ?
Face à ces enjeux, le Haut Artois apparaît prêt à s’engager
dans la révolution paysagère des éoliennes. Ceci d’autant
plus que la faiblesse de la population garantit l’absence de
réaction trop vive vis-à-vis de ces projets. Les changements
apportés dans les paysages par ces géantes ailées sont
considérables. Mais les changements sont au principe
même des paysages. Dès lors, le débat ne devrait-il pas
se développer autour de la construction volontaire d’un
néo-paysage. Le modèle qui vient à l’esprit est celui du
proche bassin carrier de Marquise. L’exploitation du marbre
conduit à des déblais considérables qu’il faut stocker. Et
bien plutôt que de subir des « tas » partout disséminés,
l’idée fut de s’accorder sur un projet d’organisation spatiale
de ces déblais. Le résultat là-bas conduit à la création de
collines nouvelles. L’organisation paysagère des parcs
éoliens relèvent de la même gageure, du même défi : il
s’agit d’accorder des projets distincts afin de faire émerger
un paysage nouveau, dont la qualité devra beaucoup au
projet commun.