Etat des lieux : les idées clefs
1- Une tendance au développement en périphérie
L’aire métropolitaine lilloise, qui regroupe près de 3,8 millions d’habitants de part et d’autre de la frontière franco-belge, est constituée d’une armature urbaine polycentrique. Sa population a légèrement augmenté entre 1999 et 2009 (+ 21 000 habitants).
Elle a connu, sur la même période, une tendance au desserrement de la population dans les communes périphériques et d’importants contrastes à l’échelle du territoire :
- la ville-centre, Lille, a bénéficié d’une croissance de 14 000 habitants ;
- les autres pôles de l’aire métropolitaine (partie française) ont perdu près de 11 000 habitants (à l’exception de certains pôles dynamiques comme Valenciennes ou Arras) ;
- A l’inverse, les communes de moins de 10 000 habitants ont gagné plus de 18 000 habitants.
Cf. carte Cadre de cohérence aire métropolitaine Lilloise - Dynamiques démographiques - cartographie RCT 2013, Source : 131018-Document présentation atelier maîtrise périurbanisation.doc

A l’horizon 2020, l’INSEE Nord-Pas-de-Calais estime, sous l’hypothèse d’une prolongation des tendances, que le nombre de ménages devrait croître deux fois plus vite dans le périurbain (+10,5%) que dans l’urbain (+5,8%), pour une augmentation globale de 200 000 ménages.
Le développement périphérique n’est pas seulement résidentiel. Une grande part du développement commercial s’implante également en frange d’agglomération. Ainsi, les activités industrielles, logistiques et artisanales ont une localisation très majoritaire au niveau des autoroutes et du réseau routier magistral. Aujourd’hui, seulement 19% sont raccordées aux TC.

2- Des conséquences de plus en plus préoccupantes
Entre 2001 et 2010, à l’exception notable des SCoT de Lille et de Valenciennes (28% et 35%), 40 à 60 % de la construction de logements s’est faite en dehors du tissus urbain existant.
Cet étalement s’accompagne de trois constats :
- une spécialisation des territoires urbains dans l’artificialisation économique
- une déconnexion entre l’artificialisation économique et le cœur des principaux pôles d’emplois
- une forte dédensification de l’artificialisation résidentielle, notamment sur les SCoT les plus ruraux, en particulier Artois et Sambre-Avesnois (pour l’habitat individuel).
Les conséquences sont de différents ordres : - en termes de progression de l’étalement urbain, l’artificialisation des sols des territoires de SCoT de l’AML s’élève entre 2003 et 2009 à 235 ha par an pour l’activité économique et 457 ha par an pour l’habitat.
- Avec la déconnexion croissante des lieux de résidence et d’emploi, on observe une augmentation des distances couvertes par les aires d’attraction des centres d’emploi régionaux.
- Sous l’effet de l’étalement urbain, le territoire de l’AML est également confronté à d’importants conflits d’usage des sols entre urbanisation, développement économique, préservation des espaces naturels et maintien de l’agriculture.
- La spécialisation sociale des territoires augmente, avec la concentration de situations sociales très préoccupantes au sein de certains espaces (notamment situés au sein du bassin minier).
Dynamiques engagées et analyse des projets : Idées clefs :
Des évolutions démographiques différemment estimées par les territoires entrainant un risque de concurrence au sein de l’AML.
Les simulations démographiques indiquent des différences assez marquées selon les territoires. Le SCOT de LHHC ou Douaisis affichent des perspectives démographiques très supérieures au scenario haut de l’INSEE alors que le territoire de l’Artois affiche des objectifs plus faibles. Les projets de territoires affichent une évolution de la population mais avec des rythmes différents.
Une dynamique démographique variable selon les territoires, globalement plutôt favorable et des objectifs démographiques ambitieux (SCOT).
Les territoires de l’AML portent globalement une vision ambitieuse de développement.
Le cumul des objectifs des SCOT est proche de l’hypothèse haute des simulations démographiques de l’INSEE correspondant à un "regain d’attractivité" avec un taux de croissance de 5.7 % à l’horizon 2030. Le nombre de ménages à horizon 2030 augmenterait partout en raison de la baisse tendancielle de la taille des ménages qui concerne en particulier les personnes seules (+9 %).
La dynamique démographique favorise le territoire de Lille métropole (population et ménages) qui concentre 44% des besoins en logement totaux de l’AML.
L’évolution démographique à horizon 2020-2030 consisterait en une stagnation au coeur de de la trame urbaine et en une évolution positive dans le péri-urbain.

La progression générale du nombre de ménages induit des besoins importants en logements avec des objectifs d’amélioration de leur qualité, notamment énergétique.
Le territoire concentre un parc ancien important lié à son histoire industrielle et urbaine qu’il est nécessaire de renouveler ou de réhabiliter. 20% des besoins de construction neuve sont générés par la compensation de la disparition de logements devenus inadaptés à une occupation digne et décente.
Les besoins de construction neuve demeureront donc à un niveau significatif dans les 20 ans à venir.
Les objectifs de construction dans les SCOTs sont en adéquation avec les besoins estimés. Les écarts dans les dynamiques de construction peuvent constituer un risque de déséquilibre, voire de concurrence entre les territoires dans le marché du logement.
L’analyse des projets valoriser un manque de coordination à l’échelle de l’AML entre les rythmes de construction et les objectifs démographiques.
En 2020, la maîtrise de l’étalement urbain restera d’autant plus pertinente qu’il va être nécessaire de maintenir des niveaux de construction élevés (20% des besoins en construction neuve).
NB : Une répartition spatiale des revenus déséquilibrée : forts revenus dans secteurs de faible densité et faibles revenus dans secteurs de forte densité urbaine.
page 27, tableau prévisions ménages
15 à 20% de ménages en plus dans l’AML à horizon 2030
Illustrations :
Cumul des objectifs des SCOT : taux de croissance de 5.7 % de population d’ici 2030
mots clefs : besoins en logement, étalement urbain, concurrence territoriale
-* Maîtriser l’étalement urbain et la périurbanisation
Une consommation d’espace encore importante, un renouvellement urbain insuffisant
Les territoires affichent des stratégies et actions visant à accélérer les processus de renouvellement urbain et économique et favoriser la production d’un urbanisme plus durable avec la volonté de reconquérir les tissus urbains existants.
La déconcentration de l’habitat de la classe moyenne et de l’activité économique a laissé des vides importants sous formes de friches industrielles et de tissus urbains dégradés et peu dense qui renforcent le besoin de renouvellement urbain.
La dynamique de renouvellement urbain semble enclenchée mais pas homogène selon les types de projets.
Les grands projets d’habitat (supérieurs à 100 logements) font primer le renouvellement urbain sur la déconcentration urbaine, à l’inverse des projets économiques.
Les objectifs de densité moyenne (de 20 à 30 logements par hectare) sont actuellement insuffisants.
Plus de 5.000 ha de foncier artificialisés d’ici 2020.
Tous projets confondus, le foncier mobilisé d’ici 2020 est estimé à 5 270 ha dont 40 % d’espaces agricoles.
Les implantations économiques qui contribuent à privilégier la déconcentration urbaine sont les principales consommatrices d’espace. Les projets de ZAE recensés consommeraient 1 345 ha d’ici 2020 dont 55.58 % d’espaces agricoles.
Cette consommation d’espace estimée semble être en de ça de la tendance actuellement mesurée (prolongation des données SIGALE 1998 - 2005 : 2 170 ha).

L’habitat individuel continue à se diffuser en périphérie.
Les projets d’habitat individuel, diffus ou groupé ne sont pas tous intégrés dans les projets de territoire. L’importance des "petits" projets de construction individuelles, de lotissements ne doit pas être négligée.
page 33, figure 5 : projets urbains, activités, équipements et habitats recensés en 2011
Contradiction entre développement économique / commercial et développement de l’habitat individuel en périphérie, et métropole durable et intense exemplaire
La poursuite du développement des centres urbains et la volonté de densification n’empêchent pas l’étalement urbain, ni la consommation d’’espaces agricoles.
Des implantations économiques qui privilégient la déconcentration urbaine, consommatrices d’espace.
Des consommations d’espaces agricoles encore importantes d’ici 2020.
Illustrations : consommation d’espaces pour les ZAE, l’habitat d’ici 2020 -> Cf. rapport
Un développement des activités commerciales (le plus souvent situé en frange d’agglomération) et des activités économiques (avec une accroche majoritairement aux autoroutes et une faible accessibilité aux transports en commun) qui contribue à la dépendance à la voiture et à la saturation des réseaux, avec une question d’accessibilité qui reste à traiter.
Attractivité industrielle, logistique et artisanale : multiplication des zones d’activité d’intérêt local / des projets à vocation industrielle et logistique d’envergure plus importante
Une augmentation de la longueur des déplacements et renforcement des échanges entre territoires (bassin minier / Lille, déplacements radiaux ?)
Des déplacements domicile - travail en augmentation de 27% entre le Bassin Minier et Lille métropole.
Mots clefs : étalement urbain, périurbanisation, artificialisation, déplacements
-* Un développement économique et commercial largement dépendant du réseau routier
page 35, figure 6 : accroche des projets aux différents types de réseaux.

La vision d’ensemble données par les projets l’aménagement à 2020 est celle d’un territoire qui s’articule et se développe par grappes plus ou moins denses autour des axes structurants, principalement routiers.
En terme d’accessibilité, l’accroche des projets de zones d’activités économiques se fait majoritairement au réseau magistral (autoroutes) et au réseau principal associé.
La majorité de ces zones n’est pas raccordé aux transports collectifs (19 % raccordées à une ligne de TC).
L’accroche des projets de zones d’activités à la route et leur faible accessibilité en transport en commun devrait renforcer en 2020 la dépendance à la voiture pour les employés de l’industrie et de la grande distribution.
- Une volonté de prise en compte progressive de l’enjeu de maîtrise du développement urbain
Dans ce contexte, des stratégies sont clairement engagées pour renforcer l’attractivité des centres urbains et maîtriser la consommation d’espace en zones périurbaines et rurales :
- Des réflexions en faveur d’une maîtrise de la périurbanisation (DRA « Maîtrise de la Périurbanisation », recyclage foncier, etc.)
- Des projets en faveur d’un urbanisme plus durable (Plan 100 000 logements, appels à projets éco-quartiers et ville durable, reconquête des centres urbains, renouvellement urbain durable, etc.)
-* Une stratégie de reconquête énergétique du parc de logements. Le Schéma régional du climat de l’air et de l’énergie (SRCAE) prévoit la réhabilitation de 60 000 logements d’ici 2030. - Le SRCAE préconise dans son orientation AT2 de ramener le rythme de l’artificialisation régionale 500 ha en 2020, dont 375 ha par an pour le périmètre des SCoT de l’AML, soit une réduction par presque 2 du rythme actuel. Sans modification du rythme d’artificialisation économique, ceci impliquerait de tripler la densité des opérations de logement sur l’ensemble de l’AML.
- - Des stratégies de planification encore trop timides et parfois contradictoires
- Un phénomène de concurrence entre les SCOT
A l’horizon 2030, l’INSEE prévoit une augmentation de population de l’ordre de 3,2% sur le périmètre des SCoT de l’AML tandis que ces SCOT tablent sur une augmentation plus ambitieuse, de l’ordre de 5,7%.
Sous l’effet de départs importants de population active, les territoires sont confrontés à un vieillissement de leur population et un développement du chômage, malgré les créations d’emploi observées. Au sein de l’aire métropolitaine lilloise, seules les zones d’emplois de Lille, d’Arras et de Flandre-Lys ont réussi à limiter la hausse du chômage, en augmentant à la fois le nombre d’emplois et le nombre d’actifs de leurs territoires (Flandres Lys mettant plutôt l’accent sur l’accueil d’actifs que sur la création d’emplois).
Ce double constat de perte d’attractivité économique et résidentielle amène les territoires à développer des stratégies concurrentielles pour attirer de jeunes actifs notamment. Ces stratégies se traduisent par l’ouverture de zones importantes à l’urbanisation, la création de zones d’activités, l’installation d’équipements, etc.
A l’intérieur même des SCoT, les documents sont le reflet de ce déficit de vision globale à l’échelle métropolitaine : 82 pôles sont recensés dans les SCoT arrêtés et approuvés du Nord-Pas-de-Calais, sans aucune hiérarchisation cohérente.

Cf. carte Schémas de cohérence territoriale - recollement des cartes des pôles urbains (DREAL/SECLAT/Louison Wesken)
- Des projets économiques et commerciaux essentiellement connectés au réseau routier
L’analyse des projets fait apparaître des contradictions entre, d’une part, les objectifs de densification de la ville et de développement en lien avec les transports collectifs et, d’autre part, la réalité d’un développement économique essentiellement connecté au réseau routier, avec une faible connexion aux transports collectifs. - Les projets d’aménagement (équipements, habitat, ZAE) se situent essentiellement autour des axes routiers structurants ;
- A l’horizon 2020, 5 270 hectares de foncier seront mobilisés pour ces différents projets, dont 40% d’espace agricole.
- Des objectifs de densification encore trop modestes
Pour la partie nordiste de l’AML, on estime, grâce à la numérisation des PLU, les zones à urbaniser (AU) à plus de 11 000 hectares offrant des réserves foncières importantes au territoire.
Aujourd’hui, la consommation d’espace planifiée par les SCOT est supérieure à la tendance constatée. En effet, les SCoT approuvés, arrêtés et en cours projettent à eux seuls d’artificialiser environ 700 hectares par an à horizon 2030. Parallèlement, les objectifs de densification des SCOT apparaissent bien modestes : avec des objectifs de densité moyenne de 20 à 30 logements par hectare, les possibilités de réduction de la consommation d’espace agricole et de renforcement du transfert modal vers les transports collectifs semblent relativement peu ambitieuses.
Conclusions du diagnostic 1
La double tendance au développement périurbain et à la déconnexion des fonctions résidentielle et économique constituent des phénomènes majeurs de l’aire métropolitaine lilloise, avec des conséquences préoccupantes pour les espaces naturels et les paysages, les populations et, plus globalement, l’attractivité de la métropole.
Cette double tendance soulève deux types de questions :
- Quelle ambition pour le développement urbain : si la ville dense et connectée au fer constitue un objectif partagé, pourquoi celui-ci ne se traduit-il pas concrètement au niveau des SCOT ?
- Quelle cohérence des choix : comment inverser la tendance à la dissociation spatiale des fonctions économique et résidentielle, et ainsi promouvoir une ville plus dense, plus mixte, génératrice de déplacements moins longs ?
La question de l’échelle de la planification est ainsi soulevée, la seule échelle des SCOT semblant trop restreinte pour appréhender les problématiques de l’aire métropolitaine lilloise.
Une approche globale à l’échelle de l’aire métropolitaine lilloise permettrait :
- De définir des objectifs démographiques réalistes à l’échelle de l’AML, et cohérents avec l’objectif de renforcement des centres urbains ;
- De hiérarchiser l’armature urbaine et économique de manière pertinente par rapport à la réalité du territoire métropolitain ;
- De définir les conditions d’une planification du développement urbain, économique et commercial dépassant les risques de concurrences entre territoires voisins.
Il s’agirait d’envisager ces différents objectifs en prenant en compte l’objectif d’un égal accès à la métropole pour les populations : la métropole durable de demain ne doit pas être réservée à certains, mais au contraire profiter au plus grand nombre.
Illustrations :
Atlas de l’AML de l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=19&ref_id=18360
En particulier :
- population des villes entre 1851 et 2008 (4 images)
- densité de population (1 image)
- répartition géographique des emplois (1 image)
Cartes régionales (étude CETE conso espace dans les SCOT) surfaces consommées pour l’habitat et l’économie (et le ratio entre les deux) - non validées-