Espèces exotiques envahissantes en Nord–Pas-de-Calais État des lieux et mise en place d‌’une stratégie de lutte contre les espèces exotiques envahissantes

Depuis que l‌’Homme a débuté ses migrations, il a transporté avec lui, de façon volontaire ou non, un grand nombre d‌’espèces animales et végétales hors de leur aire de répartition naturelle. Aujourd’hui, avec la modernisation des moyens de transports et le développement du tourisme, on assiste à une accélération de l‌’introduction d‌’espèces à l‌’extérieur de leur aire d‌’indigénat.

Toutefois, la plupart de ces espèces exotiques ne deviennent pas toutes envahissantes. On note que le terme « envahissant » désigne une espèce qui peut-être perturbante ou non, proliférante, autochtone (indigène) ou allochtone (exogène) et qui étend son aire de répartition à une vitesse plus ou moins rapide. Bien que certaines espèces envahissantes ne causent pas de dommages dans leur nouvel environnement et ne survivent pas, d’autres se répandent très rapidement et peuvent nuire à la diversité biologique. En effet, avec leur capacité à se reproduire seule et à s’adapter facilement à leur nouvel habitat, ces espèces peuvent proliférer fortement et ainsi engendrer des impacts négatifs considérables (ce qui représente une petite partie d’entre elles) notamment sur :

  • l’écologie (affectant la composition spécifique et le fonctionnement des écosystèmes d‌’accueil)
    • Ex : Elles ont une importante capacité à croître et à se reproduire, donc à coloniser l‌’espace au détriment des espèces indigènes.
  • l’économie (conséquences socio-économiques néfastes)
    • Ex : Perturbation des activités humaines (pêche, activités nautiques,…).
  • la santé publique (ayant un impact sur la santé des hommes).
    • Ex : Le Rat musqué constitue un vecteur de parasites et de maladies telles que la leptospirose.

Ces impacts sont intensifiés par les nombreux bouleversements observés au niveau mondial (changement climatique, pollution, perturbations physico-chimiques des écosystèmes).

Face à ce constat, les espèces exotiques envahissantes sont de ce fait reconnues comme la troisième menace pesant sur les espèces selon l‌’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (voir le site UICN – Comité français).

Ces espèces qui sont responsables de tels impacts, sont qualifiées d‌’espèces exotiques envahissantes, en d’autres termes, « espèce exotique (allochtone, non indigène) dont l‌’introduction par l‌’Homme (volontaire ou fortuite), l‌’implantation et la propagation menacent de manière plus ou moins importante les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques et/ou économiques et/ou sanitaires négative ». [1]

Or aujourd’hui, force est de constater que la conservation de la biodiversité est devenue une préoccupation majeure, et notamment au niveau national. Dans ce contexte, le Conservatoire des Sites Naturels du Nord et du Pas-de-Calais a choisi de s‌’intéresser aux espèces exotiques envahissantes (animales et végétales) dans la région, en lançant une étude sur ces dernières, sous pilotage de la DREAL Nord–Pas-de-Calais.

I- Contexte réglementaire à l’échelle nationale

1- Code de l‌’environnement

  • L‌’article L.411-3 du code de l‌’environnement pose des règles générales relatives à l‌’introduction d‌’espèces non indigènes dans les milieux naturels. Il est l‌’élément majeur de la réglementation française concernant les espèces exotiques envahissantes.

Pour en savoir plus, consulter « l’Article L.411-3 du code de l‌’environnement » sur le site Legifrance.

  • Le décret d‌’application du 4 janvier 2007 prévoit la préparation d‌’arrêtés interministériels fixant les listes des espèces animales non domestiques et des espèces végétales non cultivées, dont l‌’introduction dans le milieu naturel et la commercialisation sont interdites.

Pour en savoir plus, consulter le « décret d‌’application du 4 janvier 2007 » sur le site Legifrance.

  • L‌’arrêté interministériel en date du 2 mai 2007 interdisant la commercialisation, l‌’utilisation et l‌’introduction dans le milieu naturel de la Jussie à grandes fleurs (Ludwigia grandiflora) et de la Jussie rampante (Ludwigia peploides), résulte de ce décret d‌’application.

Pour en savoir plus, consulter l’ « arrêté interministériel en date du 2 mai 2007 » sur le site Legifrance.

2- Grenelle de l‌’environnement

Il correspond à un ensemble de rencontres politiques organisées en France en octobre 2007, visant à prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable, en particulier pour restaurer la biodiversité. Ces rencontres ont donné lieu à un projet de loi (dit « Grenelle I ») adopté à la quasi-unanimité à l‌’Assemblée en octobre 2008 et validé en seconde lecture par le Parlement au Sénat, le 23 juillet 2009.

  • La loi Grenelle I (Loi n°2009-967 du 3 Août 2009) concrétisant les engagements du gouvernement pris lors du Grenelle de l‌’environnement en 2007, a été publiée le 5 août 2009 au Journal Officiel.

Pour en savoir plus, consulter la « Loi Grenelle I » sur le site Legifrance.

  • L‌’article 23 de cette loi précise que « Pour stopper la perte de la biodiversité sauvage et domestique, restaurer et maintenir ses capacités d‌’évolution, l‌’État se fixe comme objectifs : […] la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, terrestres et marines, afin de prévenir leur installation et leur extension et réduire leurs impacts négatifs »

Pour en savoir plus, consulter l‌’« article 23 de la loi Grenelle I » sur le site Legifrance.

3- Stratégie nationale du MEDDE

la suite du Grenelle de l‌’Environnement, le Ministère de l‌’Écologie, de l‌’Énergie, du Développement durable et de la Mer (MEDDE) a lancé la définition de sa stratégie de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ayant un impact négatif sur la biodiversité.

Pour en savoir plus, consulter la « Conférence française pour la biodiversité du 10 au 12 mai 2010 - Note de cadrage » (Document PDF – 431.1 ko).

Celle-ci comprend notamment :

  • La constitution d‌’un réseau de surveillance permettant d’agir dès la détection de l’arrivée d’une nouvelle espèce ou de l’expansion de l’aire de présence d’une espèce déjà installée ;
  • Le renforcement des moyens de prévention de l‌’introduction d‌’espèces exotiques envahissantes en élargissant la liste actuelle des espèces de Jussies actuellement réglementées en application de l‌’article L.411-3 du Code de l‌’environnement à d‌’autres espèces. Cette liste en cours de préparation doit faire l‌’objet d‌’une analyse des risques précise sur l‌’ensemble du territoire national, basée sur des évaluations scientifiques ;
  • La mise en place de plans nationaux de lutte contre les espèces exotiques envahissantes. On note que ces espèces choisies pour la stratégie sont celles qui présentent deux caractéristiques : ce sont les espèces qui sont à la fois présentes sur le territoire et les plus préoccupantes. Elles sont identifiées sur la base d‌’un travail de hiérarchisation des espèces concernées en fonction de l’intérêt à agir.
    • En 2009, la rédaction de deux plans nationaux d‌’actions a été lancée, l’un pour une espèce végétale (Herbe de la Pampa)* et l’autre pour une espèce animale (Écureuil à ventre rouge).*
    • En 2010, la rédaction de quatre nouveaux plans d‌’action va voir le jour (Érismature rousse et Ibis sacré* notamment) ;

*Espèces non présentes en région Nord–Pas-de-Calais.

  • Le volet communication doit également permettre de sensibiliser le public sur les bons gestes à adopter et de l’informer des conséquences écologiques résultant de certains mauvais usages ou comportements.

Pour la mise en œuvre de cette stratégie, le MEDDE s‌’appuie sur deux coordinateurs techniques :

II- État des lieux

1- Organisation et déroulement

Intéressons-nous maintenant à l’étude sur les espèces exotiques envahissantes menée par le Conservatoire des Sites Naturels du Nord et du Pas-de-Calais dans la région Nord–Pas-de-Calais.

C’est en février 2010 que la mission a débuté notamment par des recherches bibliographiques sur les espèces exotiques envahissantes à toutes les échelles. L‌’objectif étant de :

  • acquérir une vision globale de la problématique
  • prendre connaissance des actions réalisées au cours des dernières années sur les espèces exotiques envahissantes au niveau mondial, européen et national.

Puis, il a été décidé de se concentrer sur la bibliographie régionale.

En parallèle, un questionnaire général sur ces espèces a été élaboré et envoyé à plus d’une trentaine d’acteurs régionaux du Nord–Pas-de-Calais concernés par cette problématique. Parmi eux, on retrouve les organismes suivants :

Cette étude a pour objectif de constituer un état des lieux (première phase de l’étude) portant sur les domaines suivants :

  • recensement des espèces
  • localisation
  • impacts négatifs sur l’écologie, l’économie, la santé humaine et les valeurs esthétiques provoqués par chaque espèce identifiée
  • bilan des actions de lutte menées contre ces espèces au cours des dernières années
  • résultats obtenus
  • organismes et/ou acteurs impliqués dans ces actions de lutte

Une fois l’état des lieux effectué, des actions de lutte seront proposées pour chaque espèce identifiée dans la deuxième phase de l’étude. Ces propositions seront déclinées au sein d‌’une stratégie régionale de lutte. Des moyens humains, techniques et financiers seront recherchés afin de mettre en place la stratégie optimale.

2- Résultats et perspectives

Lors de cette étude, des échanges ont été réalisés avec divers(es) chargé(e)s de mission des DIREN-DREAL de France travaillant sur les espèces exotiques envahissantes. On note que quelques actions ont été définies dans certaines régions dans le but d‌’établir un diagnostic ou de proposer des stratégies de lutte, mais aucune région n‌’a véritablement approfondi sa démarche. Les territoires d‌’Outre-mer sont quant à eux les plus avancés dans la mise en place d‌’une stratégie de lutte. Cela s‌’explique par le fait que les espèces exotiques envahissantes y constituent une plus grande menace qu‌’en France métropolitaine. Il semble donc que cette mission menée en région Nord–Pas-de-Calais corresponde à une démarche pilote en métropole.

Au niveau régional, on trouve quelques documents sur les espèces exotiques envahissantes. Prenons l’exemple de deux d’entre eux élaborés par l‌’Agence de l‌’Eau Artois-Picardie en collaboration avec des acteurs spécialistes de la faune et de la flore en Nord–Pas-de-Calais (Conservatoire Botanique National de Bailleul, Groupe Ornithologique et Naturaliste du Nord–Pas-de-Calais, Fédérations Départementales des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, etc…) donnant des informations exhaustives sur les espèces exotiques envahissantes présentes dans la région et les dommages qu‌’elles occasionnent sur les milieux naturels et les espèces, ainsi que sur l‌’Homme et ses activités. Ces derniers s’intitulent :

Face à ce constat (nombre important d’espèces exotiques envahissantes en région) et à la durée de la mission (environ un an), il a été choisi de réduire le champ d‌’étude. De manière générale, seuls les règnes animal et végétal sont pris en considération. Les thallophytes (champignons, algues, lichens et mousses) n‌’ont pu être traités. Concernant la faune, les vertébrés (amphibiens, oiseaux, mammifères, poissons et reptiles) et une partie des invertébrés (arthropodes et mollusques) ont été pris en compte dans le cadre de la problématique régionale sur les espèces exotiques envahissantes. Une étude sur les macroinvertébrés invasifs en région Nord – Pas-de-Calais a d‌’ailleurs été élaborée en août 2008 par l‌’Université des Sciences et Technologies de Lille (Jonathan BOUQUEREL) [2] en collaboration avec l’ Agence de l‌’Eau Artois-Picardie.
Pour en savoir plus sur cette étude, consulter « Les canaux : des milieux privilégiés pour les macroinvertébrés invasifs. Etude de la région Nord/Pas-de-Calais » sur le site de l’Agence de l’Eau Artois-Picardie.
D‌’autre part, les espèces invasives des milieux marins ont été exclues alors que celles des milieux terrestres, aquatiques et humides ont pu être analysées. Un document qui répertorie les espèces marines est en cours de réalisation par la Station marine de Wimereux en collaboration avec l‌’Agence de l‌’Eau. L‌’existence de nombreuses données déjà disponibles sur les groupes analysés explique ce choix d‌’étude.

Par ailleurs, ces échanges ainsi que les recherches bibliographiques effectuées ont montré l‌’existence de nombreuses espèces exotiques envahissantes en Nord – Pas-de-Calais. Au vu de la mise en place d‌’une stratégie de lutte contre celles-ci, il s‌’est alors avéré nécessaire d’en sélectionner certaines. Les moyens humains, techniques et financiers pouvant être mobilisés, ils seront malgré tout limités. Il a donc été judicieux d‌’appliquer une forte pression de lutte sur certaines espèces à enjeux afin d‌’obtenir des résultats probants, plutôt que de prendre en compte l‌’ensemble des espèces identifiées au risque de minorer l‌’action et les résultats menés.

La sélection des espèces qui feront l’objet de la stratégie régionale de lutte, permettra d’établir des priorités d’intervention. Celle-ci se fera à l’aide d’un outil basé sur des critères scientifiques (grille de critères) déterminés d‌’après la bibliographie et les propositions des acteurs sollicités, ou les enjeux liés à la biodiversité seront mis en avant).
Par exemple, parmi les critères les plus importants qui seront retenus, on peut citer ceux portant sur :

  • les espèces causant des impacts négatifs sur l‌’écologie 
  • les espèces pour lesquelles le rapport (résultats obtenus / moyens de lutte mobilisés) est fort.

Enfin, les prochaines étapes de l’étude seront les suivantes :

  • Début juin 2010 à fin août : l‌’état des lieux régional relatif aux espèces exotiques envahissantes doit être complété.
  • Début juillet : un comité de pilotage a eu lieu qui rassemble les acteurs sollicités lors de l‌’étude et qui a pour but de présenter :
    • le cadre de l‌’étude,
    • la méthodologie employée,
    • un premier aperçu des données obtenues,
    • la grille de critères (qui y sera également validée)

Suite à ce comité, les remarques des différents acteurs seront prises en compte dans la prochaine version de l’état des lieux.

  • Septembre 2010 : la seconde phase de l‌’étude débutera portant sur les propositions d‌’actions de lutte pour les espèces ciblées. Un prochain comité de pilotage devrait avoir lieu à l’automne 2010 pour présenter la seconde phase de l’étude.

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