Le littoral |
Un espace très convoité |
|
Le littoral se compose de larges estrans sableux et de milieux littoraux très diversifiés : rivage bas dunaire de la plaine maritime flamande, falaises de calcaire ou de grès du Boulonnais, larges massifs dunaires, dunes plaquées sur des falaises fossiles, et estuaires du Pas de Calais où se développent de vastes et riches zones humides maritimes. L’orientation et la morphologie du trait de côte, la nature lithologique du substrat, la présence de plusieurs estuaires ainsi que l’inégale anthropisation participent à la diversité paysagère du littoral. Les deux tiers des 147 kilomètres de côtes sont encore considérés comme des espaces naturels mais les falaises, les marais arrièrelittoraux et les quelque 9 600 hectares de dunes sont un patrimoine fortement convoité. Les intérêts touristiques, urbains et industriels avec l’extraction du sable vont souvent à l’encontre de la protection contre l’érosion et du maintien de conditions favorables à la biodiversité. 27 % des ZICO 7 se situent sur le littoral, c’est-à-dire là où s’exercent les plus fortes pressions. Ainsi, sur les trentecinq kilomètres de rivage que compte le département du Nord, vingt-cinq avaient conservé leur état naturel à la fin des années cinquante, mais l’extension des activités industrialo-portuaires en a, depuis, consommé les trois quarts. Aujourd’hui, avec la fin des aménagements industrialo-portuaires, c’est plutôt le tourisme qui fait peser une menace sur le maintien de la biodiversité.
Des milieux marins marqués par un fort courant |
|
Le détroit du Pas de Calais correspond à la rencontre de la Manche et de la mer du Nord. C’est un couloir peu profond (65 mètres au maximum) où transitent d’énormes masses d’eau et de sédiments à l’image d’un véritable fleuve côtier alimentant tantôt la Manche, tantôt la mer du Nord. La vitesse des eaux de transit s’accélère avec le rétrécissement de la section. Cela génère, notamment près des côtes, de forts courants alternatifs, du nord-est vers le sud-ouest en période de flot et du sud vers le nord au jusant. Mais ils peuvent changer localement de direction selon la présence de chenaux sous-marins, de la direction du vent et des apports en eaux douces 8. Il résulte de ces mouvements un flux de matière du sud-ouest vers le nord-est. La houle, de secteur sud-ouest dominant, induit un courant de dérive principal longeant la côte en direction de la mer du Nord. Au large, la marée engendre des courants qui organisent les sédiments en bancs quasiment parallèles à la côte. Ces caractéristiques rendent difficile la lutte contre l’érosion mais contribue, en revanche, à la diversification d’habitats remarquables. On y trouve des peuplements de cailloutis d’une grande richesse dans les zones de fort courant (éponges, vers marins, anémones, etc.), des peuplements de sables fins et de bancs sableux avec, notamment, l’unique haut fond rocheux important de la Manche orientale. Une importante population d’algues (220 espèces inventoriées) constitue de véritables nurseries pour les poissons, mais l’aménagement du littoral et des estuaires ainsi que la pollution des eaux compromettent à terme ce rôle. Les ressources halieutiques, qui y sont soumises, sont menacées. Même si les conditions environnementales ne sont pas sans influence sur leur variabilité naturelle, les activités de pêche sont en grande partie à l’origine de cette situation. La majorité des stocks exploités par les flottilles de pêche de la façade maritime nord métropolitaine sont dans une situation préoccupante du fait de l’intensification de la pêche, notamment, ceux de plies, de merlans et de soles qui ont atteint leur limite biologique de sécurité 9. De nombreuses espèces de mammifères marins sont observées régulièrement sur les côtes régionales : le rorqual marin, le grand dauphin, le globicéphale, le dauphin bleu et blanc, le cachalot, le marsouin, les phoques gris, à capuchon, annelé et marbré. La présence permanente de colonies de phoques veau marin montre l’importance des côtes de la région pour cette espèce. Deux démarches sont mises en œuvre pour affiner la connaissance du patrimoine au niveau de la côte d’Opale : un réseau d’observateurs des mammifères marins et le programme Panamat.
Falaises et caps, des sites remarquables |
|
Les falaises et les caps correspondent à l’avancée dans la mer du bombement calcaire crétacé d’Artois (boutonnière du Boulonnais). Le point saillant formé par le Gris-Nez, relativement résistant, participe au resserrement de la Manche. C’est l’endroit où les courants sont les plus intenses, pouvant même atteindre 4 m/s. Il se caractérise par une alternance de sables, de grès et d’argiles (jurassique) à l’érosion différenciée. Le cap Blanc-Nez (151 mètres de haut), seul coteau calcaire (crétacé) en façade maritime de la région, est constitué de craies et de marnes sujettes aux éboulements. Leurs parois abruptes offrent de nombreux abris aux oiseaux côtiers, notamment le fulmar boréal et la mouette tridactyle. Côté terre, les pelouses herbacées primitives (euryhalines) s’étalent sur un vaste plan incliné inapte à l’exploitation agricole. Elles présentent des espèces très diversifiées. S’y épanouissent plusieurs raretés botaniques, notamment des orchidées, la gentiane amère (Gentiana amarella) ou le chou sauvage (Brassica oleracea sous-espèce oleracea) dans les zones d’éboulis. Mais ce milieu remarquable subit les effets néfastes de la surfréquentation touristique du site des caps.
Deux types de dunes bien distincts |
|
Les formations dunaires couvrent 9 600 hectares, soit 74 kilomètres du linéaire côtier. Les dunes picardes se trouvent au sud du cap Gris-Nez. Ce sont des systèmes dunaires orientés perpendiculairement aux vents dominants. Les dunes gagnent l’intérieur des terres sur plusieurs kilomètres. Elles sont constituées d’un bourrelet ancien et d’un bourrelet littoral plus récent, séparés par une plaine dunaire à caractère humide marqué (marais ou tourbières) qui joue un rôle essentiel pour les oiseaux migrateurs (comme le marais de Balançon) ou sont tout simplement plaquées sur d’anciennes falaises (mont Saint-Frieux et dunes d’Escaut).
Les dunes flamandes se trouvent au nord du cap Gris-Nez. Elles sont parallèles aux vents dominants, en raison de la modification de l’orientation de la côte. Sur trente-six kilomètres environ et près de 1 700 hectares, ces dunes se caractérisent par un cordon littoral unique et généralement étroit. Elles forment à l’ouest, le massif de Wissant et, à l’est, les massifs du Fort vert (600 hectares) et surtout les dunes de l’est dunkerquois 10 (dune Marchand, dune Dewulf, dune du Perroquet) à l’arrière desquelles se développent les polders. Ces dernières sont devenues des reliques comme celle Zuydcotte - Bray-Dunes dont il ne subsiste plus que 800 hectares après l’extension industrialo-portuaire de Dunkerque. Elles accueillent des espèces exceptionnelles comme la parnassie et l’helléborine des marais, reliques glaciaires. Enfin, tout au nord du département du Nord, la dune fossile de Ghyvelde, constituée d’un cordon dunaire ancien qui s’étend loin à l’intérieur des terres (trois kilomètres environ), est un milieu rare et original caractérisé par des sables décalcifiés.
Les estuaires |
|
La morphologie des estuaires de la Canche, de la Slack et de l’Authie, connaît des évolutions liées à la conjonction des dynamiques marines et fluviales. Sous l’effet de la dérive littorale, les sédiments progressent vers le nord. Au sud, le poulier, colonisé par des espèces dunaires, s’engraisse par l’accumulation de sédiments transportés par la mer. Ils abritent en arrière des prés salés (ou mollières) riches en espèces halophytes : salicornes, obiones portulacoïdes, etc. Au nord, le musoir recule sous l’action des vagues. Le poulier de l’estuaire de la Slack, formé d’éléments grossiers, accueille, quant à lui, la flore originale des levées de galets 11. Ces estuaires sont fréquentés par les phoques veau marin. La Canche et l’Authie sont considérées comme des zones importantes pour les populations de poissons migrateurs, bien que d’anciens barrages aient réduit cette capacité de plus de la moitié 12. Un projet d’aménagement de l’estuaire de la Canche n’a pas abouti dans les années quatre-vingts sous la pression des associations de protection de la nature. L’Authie est, avec la baie de Somme en Picardie, la dernière baie « sauvage » 13 (sur 2 000 hectares environ) dans le nord de la France. La démarche lancée en vue du classement Ramsar des estuaires de l’Authie et de la Canche, ainsi que les marais de Balançon et de Villiers, n’a pas encore abouti (alors que la Somme est d’ores et déjà un site Ramsar). Elle génère de nombreux conflits, avec les chasseurs notamment.
Notes
|
7 - Source : MNHN - Diren-Ifen, Corine land cover. 8 - Pluviométrie et fleuves, surtout l’Escaut et la Somme. 9 - Voir sur le site de l’Ifremer (http://www.ifremer.fr), les documents de travail du ACFM, octobre 2002, ainsi que le contexte halieutique général de la division de Boulogne 10 - Communes de Leffrinckoucke, Zuydcotte et Bray-Dunes. 11 - Ce milieu accueille une espèce rare protégée au niveau national : le crambe maritime. 12 - Diren, 2001. Profil environnemental, diagnostic, enjeux, indicateurs. Lille, 109 p. 13 - Elle est en effet faiblement anthropisée.
|
|
|