Biodiversité

Érosion de la biodiversité et pressions

Dernier ajout : 1er juin 2016.

Érosion de la biodiversité floristique

Le conservatoire botanique de Bailleul met en évidence une régression très rapide du nombre d’espèces locales des plantes vasculaires : 228 espèces ou sous-espèces disparues sur les 200 dernières années et même 182 espèces non revues depuis 1990. Le taux de disparition sur la période historique est d’environ 1 plante sauvage par an [1].

En 2005, moins de la moitié de la flore régionale peut être considérée comme non menacée à long terme (LC), alors que près d’un quart est menacée à court ou moyen terme (CR, EN et VU).

A l’échelle régionale, les espèces de la flore qui ont subi la plus forte régression depuis 150 ans sont celles des milieux liés aux zones humides, suivies des coteaux calcaires, des cultures et dans une moindre mesure des plateaux siliceux, avec principalement :

  • les zones humides, les coteaux calcaires et les cultures dans l’Aisne et la Somme,
  • les zones humides, les cultures et les forêts dans l’Oise.

Sont identifiées les espèces de la directive habitats :

  • menacées d’extinction : Liparis de Loesel, l’Ache rampante (dans les prairies hygrophiles alluviales pâturées),
  • vulnérables : le Sisymbre couché (dans les éboulis des coteaux calcaires) et le Dicrane vert (mousse).

Parmi de nombreux exemples, on peut citer certaines espèces disparues, ou supposées disparues, comme l’Andromède (plante des tourbières), le Lycopode inondé, la Violette de Rouen… La situation d’autres espèces est alarmante, telles que le Millepertuis des marais, la Potentille des marais, le Genêt poilu, des orchidées de pelouses comme le Céphalentère à longues feuilles ou la Gymnadénie odorante…

Érosion de la biodiversité faunistique

Les espèces suivantes relèvent, en Picardie, d’une priorité de conservation :

  • 8 espèces avec un degré de priorité de conservation régionale de la directive habitat jugé comme « très fortement prioritaire » : Leucorrhine à gros thorax, Agrion de mercure, Cigogne noire, Milan noir, Milan royal, Gélinotte des bois, Butor étoilé et Lamproie marine,
  • 14 espèces de la directive « fortement prioritaires »,
  • 13 espèces de la directive « prioritaires ».

On peut aussi citer certaines espèces disparues, ou supposées disparues, comme l’Outarde canepetière, le Milan royal, la Loutre, une dizaine d’espèces de lépidoptères… Pour d’autres espèces, la situation est alarmante, comme par exemple l’Anguille dont les stocks diminuent fortement, l’Écrevisse à pattes blanches qui ne subsiste qu’à l’état relictuel, le Butor étoilé dont on ne connaît plus que quelques spécimens…

A noter également la responsabilité partagée du fait de leur statut de protection pour l’Écrevisse à pieds blancs, les Vertigo angustior et moulinsiana (gastéropodes), l’Azuré du serpolet (papillon), la Leucorrhine à large queue (libellule), le Lézard des souches, le Sonneur à ventre jaune (amphibien), le Castor d’Europe, l’Œdicnème criard (oiseau), la Loche de rivière, la Lote et l’Omble commun (poissons).

En Picardie, seuls les oiseaux dits "généralistes" ont une population relativement stable depuis 10 ans. Les espèces liées aux autres milieux sont plutôt en régression [2].

Érosion de la biodiversité en termes d’habitats naturels

Plus de 90 % des pelouses et également plus de 90 % des landes de Picardie ont disparu en moins de 100 ans, entraînant la régression des espèces spatialisées de ces milieux. Le rythme des régressions s’est accéléré et en particulier celui des régressions de prairies avec un recul de 50 à 80 % au cours des 30 dernières années selon les territoires picards [3].

La Picardie compte 194 habitats naturels d’intérêt communautaire dont 107 présentant un enjeu de conservation majeur et 87 un enjeu important.

Au fur et à mesure des pertes, les effets sont exponentiels sur la régression du patrimoine qui subsiste, de plus en plus vulnérable.

  • Les habitats qui deviennent relictuels n’assurent plus la viabilité des populations et la fragmentation de l’espace ne permet plus les échanges entre les populations via les corridors ou les continuités écologiques devenues trop précaires ou dégradés.
  • Certaines pertes sont irréversibles, d’autres peuvent être anticipées par une protection et une gestion des espaces naturels.
  • De plus, la capacité de résilience d’une partie des espèces animales et végétales permet certaines reconquêtes qu’il faut développer en région Picardie.

Pressions

La plupart des causes de disparitions sont imputables à l’activité humaine :

  • abandon des pratiques traditionnelles d’exploitation (déprise) de certains milieux peu productifs pouvant entraîner une perte de biodiversité (pelouses, prairies humides ou paratourbeuses…), pour 33 % des disparitions d’espèces végétales : disparition du pâturage en zone humide et dans les pelouses, intensification des pratiques (drainage, maïsicultures, populiculture…) [4],
  • modification des pratiques agricoles ou forestières qui affectent des espaces de grande valeur écologique, soit en supprimant ces milieux (conversion des prairies en terres cultivables, arasement des haies) soit en les modifiant (eutrophisation, pollution par les pesticides, augmentation de la taille des parcelles…) avec 17 % des disparitions de la flore liées aux apports d’intrants et pesticide/herbicides et 10 % par la gestion des lisières forestières,
  • l’évolution de la qualité des milieux aquatiques (15 % des pertes d’espèces),
  • artificialisation des sols par l’étalement urbain (notamment dans les principales aires urbaines et sur le littoral) qui consomme des espaces « naturels »,
  • nouvelles infrastructures qui fragmentent les écosystèmes (réseau ferré, routes, canaux, lignes THT, parcs éoliens pour l’avifaune et les chiroptères…) et créent de nouveau corridors pour les espèces invasives.

Les espèces exotiques envahissantes

Fin 2010, 34 plantes exotiques envahissantes avérées (catégories A1 et A2) et 47 potentielles sont identifiées en Picardie (P2 et P3). 8 taxons ne sont pas présents mais, du fait de leur dynamique expansionniste dans les régions voisines, sont susceptibles d’apparaître prochainement en Picardie et de causer des impacts dans les milieux naturels et semi-naturels (P1) [5].

En outre, selon l’inventaire national du patrimoine naturel (INPN) et Picardie Nature, 19 espèces animales exotiques invasives sont présentes en Picardie, telles que la Coccinelle asiatique, l’Écureuil de Corée ou la Tortue de Floride et de nombreuses espèces aquatiques.

Bien qu’en Picardie aucun taxon indigène ne semble avoir disparu de la région suite à l’introduction d’une plante exotique envahissante, ces taxons engendrent à l’échelle des stations une dégradation des milieux et des végétations envahis et des disparitions locales d’espèces indigènes. En effet, ils colonisent les milieux, concurrencent les espèces locales, modifient les habitats, affaiblissent certaines populations animales ou végétales et peuvent même aboutir à leur disparition. Leur prolifération peut générer des dommages écologiques importants allant à l’encontre des efforts de préservation menés par ailleurs. Certains taxons posent des problèmes sanitaires (Berce du Caucase) ou économiques sur les activités agricoles (baisse de la valeur fourragère, toxicité pour le bétail), sylvicoles (Cerisier tardif) ou sur les réseaux hydrographiques (gène pour la navigation et les activités de pêche, tel la Jussie) en Picardie.

Ces espèces se sont développées à la faveur de l’artificialisation de l’espace et de la multiplication des échanges commerciaux intercontinentaux et se diffusent par les grands corridors écologiques de la trame verte et bleue, par exemple par les cours d’eau, ou les axes d’infrastructures.

[1CBNB (2010), Contribution à l’observatoire du patrimoine naturel de Picardie

[2Picardie Nature (2011)

[3CSNP (2005), Projet réseaux de sites et réseaux d’acteurs

[4CBNB (2006), Plantes protégées de la région Picardie

[5CBNB, 2011

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Effets du changement climatique

L’érosion de la biodiversité et des habitats est également majorée par la modification des conditions climatiques (édaphiques), d’autant que leur capacité d’adaptation est déjà atténuée par les autres pressions.

Les principaux effets sont de l’ordre de :
 évolutions de la phénologie (répartition dans le temps des phénomènes périodiques, caractéristiques du cycle vital des organismes), tel que la modification de la période de reproduction ou de migration de certaines espèces, avec des risques de décalages affectant les interactions entre les espèces (cycles entre prédateur et proie par exemple),
 modification de la physiologie des espèces (évolution génétique), avec des changements extrêmement rapides déjà constatés chez certains insectes.
Avec le changement climatique, on peut s’attendre à :
 une évolution de l’aire de répartition des espèces végétales et animales, terrestres et marines : glissement des aires vers le nord et en altitude. Concernant les espèces aquatiques, on observe un remplacement progressif des espèces d’eau froide par des espèces thermophiles (barbeau, vandoise…). Impacts sur les oiseaux migrateurs en baie de Somme (impact touristique à terme),
 des impacts sur la migration des espèces d’arbres (diminution de l’aire favorable au hêtre, extension des espèces méditerranéennes) et le déplacement des écosystèmes (sous réserve d’une adaptation au même rythme que la modification du climat),
 la prolifération d’espèces envahissantes, aux capacités d’adaptation plus importantes, au détriment des espèces autochtones et notamment les ravageurs ou parasites des cultures ou des forêts (ex. vulnérabilité importante en Picardie pour le chêne pédonculé et les merisiers).
La vulnérabilité est particulière aux milieux :
 fragilisation des forêts (parasites, conséquences des sécheresses et canicules comme les chênes pédonculés, les charmes et les bouleaux)
 fragilisation des zones humides déjà sous pression,
 altération des écosystèmes côtiers, accélérée par l’augmentation de l’érosion et les submersions marines.

Source : SRCAE