Point d'information sur le site Metaleurop Nord au 16 décembre 2002
Plusieurs media se sont récemment faits l'écho de la situation du site METALEUROP NORD, situé à Noyelles Godault.
I. ContexteL’origine de METALEUROP NORD remonte à 1894. L'usine produit du plomb et du zinc par des procédés thermiques de première fusion. Ce site est le seul producteur de plomb primaire en France.
En 2001, le site de Noyelles-Godault a produit 112 000 tonnes de plomb et 91 000 tonnes de zinc Les minerais utilisés contiennent du soufre, ce qui conduit l'usine à produire 245 000 tonnes par an de H2SO4 issus des procédés de traitement des rejets atmosphériques.
Le site, implanté en bordure du canal de la Dêule, à 12 km de Douai, s’étend aujourd’hui sur une superficie de 30 ha situés sur les communes de Noyelles Godault et Courcelles les Lens.
L’usine a été depuis un siècle à l'origine de rejets considérables de plomb, cadmium et zinc qui ont entraîné une pollution des sols d’une ampleur singulière. Les rejets de métaux lourds, malgré une diminution drastique depuis trente ans, restent significatifs.
Ainsi, sous l’action de l’inspection des installations classées, les rejets atmosphériques ont diminué, passant de 350 t de plomb par an en 1970 (rejets canalisés uniquement) à 146 t environ en 1978, après d'importants travaux dans l'atelier fonderie, puis continuant à diminuer jusqu’à une valeur qui devrait être inférieure à 12 tonnes pour l’année 2003.
Les rejets dans l'eau ont également chuté ; une station d'épuration a été mise en service en 1988 et a permis de passer de 150 t de plomb par an à 4-5 tonnes. 1,9 tonnes de cadmium et 10 tonnes de zinc sont également rejetées.
Parallèlement, des mesures de concentration des métaux dans le sol ont été effectuées à la demande de l'administration. Elles ont permis de tracer des zones d'isoconcentration. Ces résultats ont fait apparaître des teneurs en plomb et cadmium nécessitant que des mesures soient prises. Une procédure de projet d'intérêt général (PIG) a abouti en 1997-1999. Le PIG, très contesté, a fait l'objet de recours devant le tribunal administratif. Il n'a pu être transcrit dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) que début 2002.
Des mesures de suivi sanitaire de la population ont également été mises en place, principalement à travers un dépistage de plombémie des enfants.
La presse s'est fait l'écho de deux plaintes déposées, fin octobre 2002, par certains riverains du site ou associations les regroupant.
II. Rejets atmosphériquesEn 2001, le site a rejeté 18,3 tonnes de plomb canalisé, auxquelles s'ajoutent environ 10 à 15 tonnes de rejets diffus, 0,8 tonnes de cadmium, 26 tonnes de zinc et 6 800 tonnes de dioxide de soufre.
Depuis 30 ans, sous l’impulsion de l’inspection des installations classées, Metaleurop réalise de nombreux efforts en matière de réduction et de contrôle de la pollution atmosphérique. Ces actions ont été initiées ou encadrées par de nombreux arrêtés préfectoraux fixant les prescriptions réglementaires de Metaleurop:
- arrêté préfectoral complémentaire du 21 octobre 1973
- arrêté préfectoral complémentaire du 22 janvier 1980
- arrêté préfectoral complémentaire du 29 mars 1984 (bilan quantitatif et qualitatif de l'ensemble des rejets du site)
- arrêté préfectoral complémentaire du 9 janvier 1986 (étude technico-économique sur 8 points de rejets suite à l'arrêté préfectoral complémentaire de 1984 précité)
- arrêté préfectoral d'autorisation du 12 août 1993
- arrêté préfectoral d'autorisation du 13 mars 1995
- arrêté préfectoral complétmentaire du 6 octobre 1997
- arrêté préfectoral complémentaire du 16 décembre 1999
Ces efforts se sont principalement concentrés sur la diminution du nombre de points de rejet, sur la mise en œuvre d'installations de traitement sur les plus gros rejets en flux de polluants et sur le contrôle de la pollution résiduelle.
Ces actions ont permis de diminuer de manière significative les flux rejetés à l'atmosphère alors que, dans le même temps, l'activité a continué à croître.
Rejets canalisés (en tonnes par an) |
|||
Année |
Plomb |
Zinc |
Cadmium |
1970 |
350 |
- |
- |
1978 |
146 |
- |
- |
1985 |
66,7 |
56,6 |
4 |
1986 |
65 |
54 |
1,8 |
1990 |
50,46 |
45,01 |
1,07 |
1993 |
32,3 |
52,07 |
1,36 |
1996 |
24,68 |
40,15 |
0,95 |
1999 |
24,2 |
29,1 |
0,8 |
2000 |
22,4 |
24,3 |
0,7 |
2001 |
18,3 |
26 |
0,8 |
L’arrêté préfectoral complémentaire du 6 octobre 1997 a imposé la réalisation d’un bilan complet des émissions atmosphériques, canalisées et diffuses.
L’estimation des rejets diffus, réalisée par le biais d’une étude de dispersion, ont permis de quantifier les rejets diffus de plomb à 25 tonnes par an.
En liaison avec la direction de la prévention des pollutions et des risques (DPPR), la direction compétente du ministère de l'écologie et du développement durable (MEDD), l'inspection des installations classées a décidé en avril 1999 d'un plan de division par deux des rejets. Un arrêté préfectoral complémentaire, daté du 16 décembre 1999, a ainsi :
Seuls deux rejets sur les 129 existants à l’époque étaient jusque-là soumis à une valeur limite en concentration.
Depuis cet arrêté préfectoral complémentaire, METALEUROP NORD a finalisé les actions suivantes :
En ce qui concerne les rejets canalisés :
En ce qui concerne les rejets diffus :
Diverses autres actions restent à mettre en oeuvre:
L’inspection a demandé à l’exploitant de lui faire des propositions, attendues en janvier 2003, de réduction supplémentaire des rejets canalisés et diffus. L’objectif est une nouvelle division par deux des rejets de plomb.
III. Rejets aqueuxLe site comporte un point de rejet unique des eaux industrielles. La station d'épuration date de l'année 1988.
L'encadrement réglementaire est défini par:
- l'arrêté préfectoral d'autorisation du 17 avril 1989
- l'arrêté préfectoral d'autorisation du 13 mars 1995
et comporte notamment un contrôle journalier des métaux et un contrôle inopiné par an.
A ce jour, le rejet respecte les normes définies par l'arrêté ministériel du 2 février 1998 Toutefois, compte tenu de l'importance du débit, les flux rejetés au canal en Zn, Pb et Cd restent importants.
IV. Pollution des sols
Sur proposition de la DRIRE, une évaluation détaillée des risques a été prescrite par arrêté complémentaire du 9 juillet 2001. Ses conclusions devraient être disponibles au mois de juin 2003. Elle devrait prendre en compte les différentes voies d'exposition pour évaluer le risque existant (inhalation, ingestion par voie alimentaire ou par contact main bouche, …). Metaleurop a confié sa réalisation à la société ANTEA, qui est assistée par des experts de l'université de médecine de Nancy et de l'INRA.
Depuis plus de 20 ans, la DRIRE fait effectuer des campagnes de prélèvements autour de l'usine de Noyelles-Godault, correspondant à plusieurs centaines de prélèvements.
D'une manière générale, ces campagnes ont montré que les métaux lourds, peu mobiles et peu solubles, restent globalement confinés dans les couches superficielles du sol (0-40 cm), notamment pour le plomb et le cadmium. Ce résultat doit être nuancé pour le zinc qui peut migrer plus profondément.
Si les zones agricoles apparaissent comme assez homogènes, sans que l'on puisse exclure des transferts locaux de terres, il n'en est pas de même pour les zones urbaines et en particulier les jardins attenants aux maisons. En effet, les concentrations en métaux lourds sont apparues plus élevées dans les jardins que dans les parcelles agricoles environnantes (un phénomène identique a été relevé autour de sites en Grande-Bretagne). D'autre part, des remblaiements partiels à l'aide de terres provenant de secteurs proches des sites industriels ou de scories peuvent être à l'origine de "tâches" de pollution à certains endroits.
IV. Suivi sanitaire de la population riveraine
Différentes études réalisées localement ont porté sur l’imprégnation par le plomb des enfants sur l’ensemble de la zone polluée.
Entre 1985 et 1988, deux études ont été réalisées dans le secteur par l'Observatoire Régional de la Santé . La première qui a concerné 144 nouveau-nés a permis de constater que 14 % des nouveau-nés avaient une plombémie supérieure à la norme retenue de 100 µg/l. La seconde a mis en évidence chez 115 enfants de 6 ans du secteur une concentration en plomb dans les dents de lait presque 2 fois plus élevée que chez 61 enfants vivant à l'Est du bassin minier en dehors de la zone considérée.
Trois nouvelles campagnes de dépistage du saturnisme infantile ont été réalisées entre 1994 et 2002 :
La campagne menée en 1994-1995 a concerné les enfants de moins de 6 ans des trois communes entourant le site. 621 enfants, soit 1/3 de la population concernée, ont fait l’objet d’un dosage de plombémie. 13% avaient une plombémie supérieure à la norme applicable de 100 µg/l.
La campagne menée en 1999-2000, sur les enfants de 2 à 3 ans des 5 communes environnantes, montre une plombémie supérieure à 100 µg/l pour 11% des enfants.
La campagne menée en 2001-2002 sur les enfants de 2 à 3 ans des 5 communes environnantes montre une plombémie supérieure à 100 µg/l pour 10,3% des enfants
Les résultats enregistrés depuis près de vingt ans montrent donc une stabilité des taux de plombémie, malgré la réduction très importante des rejets de l'usine.
Les mesures d'information qui ont été adoptées à l'issue des bilans sont les suivantes :
En outre:
Un "comité de pilotage plomb" a été mis en place par la DDASS pour conduire le suivi spécifique aux impacts sanitaires entre les différentes parties concernées.
L'évaluation détaillée des risques (EDR) en cours permettra de mieux connaître les parts relatives des différentes voies d'exposition.
V. Suivi sanitaire des travailleurs
Entre 1996 et 2001, sur 3836 salariés sous surveillance médicale spéciale pour risque de saturnisme, on compte 36 déclarations de maladies professionnelles dues au saturnisme.
Suite à l'identification en 1997, de 100 personnes présentant une plombémie supérieure à 600 µg par litre de sang (norme du code du travail), Metaleurop a engagé un plan plombémie sur 3 ans (1997 - 2000) et débloqué des crédits à hauteur de 12 MF.
Le médecin prononce une inaptitude temporaire du salarié au poste de travail en cas de plombémie supérieure à 800 µg par litre de sang.
Le nombre d’inaptitudes prononcées est :
1996 |
22 |
1997 |
20 |
1998 |
36 |
1999 |
45 |
2000 |
30 |
2001 |
19 |
L’entreprise mène actuellement plusieurs actions dans le but d’atteindre zéro salarié au dessus de 600 µg par litre de sang.
VI. Restrictions d'urbanisme
Le secteur entourant l’usine de Noyelles-Godault a été doté d’un projet d'intérêt général (PIG) par arrêté du 20/01/99, à la suite d'une procédure très contestée.
Les travaux d'élaboration ont démarré suite à une demande de la DPPR datant du 01/07/85. Les oppositions ont été fortes. L'arrêté du 20/01/99 qualifiant le PIG a fait l'objet d'un recours devant le Tribunal Administratif de Lille, par les communes de Noyelles-Godault, d'Evin-Malmaison et de Courcelles-les-Lens et par l'association de défense de l'Evinois. Les communes ont considéré que les zones définies étaient trop étendues et les mesures trop draconiennes; l'association a considéré que les zones n'étaient pas assez étendues et les mesures insuffisantes.
Le tribunal administratif a validé les arrêtés préfectoraux. Le 27 mars 2002, les dispositions du PIG ont été reprises dans le PLU des communes concernées. Ce PLU est opposable aux tiers depuis le 27 avril 2002.
Le PIG est déterminé sur la base des courbes d'isoconcentration à 500 ppm de plomb, 1000 ppm de plomb et 20 ppm de cadmium. Ces courbes ont été tracées à l'aide des résultats des campagnes qui avaient été menées entre 1979 et 1986.
La zone à 20 ppm de cadmium est incluse dans celle à 1000 ppm de plomb : les dispositions sont donc communes à ces deux zones.
Les prescriptions attachées au PIG sont les suivantes:
VII. Indemnisation des populations riveraines
Instituées par la loi n°87-565 du 22 juillet 1987, les servitudes d'utilité publique (SUP) permettent de restreindre l’usage des sols en ouvrant droit à indemnisation au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit, si ces restrictions entraînent un préjudice matériel, direct et certain. Le versement de l’indemnité est à la charge de l’exploitant. La demande d’indemnisation doit être adressée à l’exploitant ; à défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le juge de l’expropriation.
Par un arrêté daté du 20/01/99, le préfet du Pas de Calais a prescrit la mise en œuvre de la procédure en vue de l'institution des servitudes d'utilité publique.
Cet arrêté a fait l'objet d'un recours de l'association de défense de l'Evinois devant le Tribunal Administratif de Lille. Elle a considéré que les servitudes auraient du être notifiées à chaque propriétaire, et que l'extension des zones était insuffisante. La société Métaleurop a par ailleurs fait un recours gracieux auprès du préfet.
Le tribunal administratif a validé l'arrêté préfectoral.
A ce jour, la procédure d’enquête publique n’a pas été lancée. Dans un premier temps, il est en effet apparu souhaitable de mener à bien la procédure du PIG avant de lancer la procédure SUP. Lors de la réunion organisée le 5 novembre 2002 par le DPPR avec le préfet du Pas-de-Calais, le DGS, le DRIRE et la DDASS, il a été décidé que les servitudes seraient instaurées sur la base des résultats de l’évaluation détaillée des risques (EDR) attendus en 2003.
Il convient de noter que la société Metaleurop conteste le projet d’instauration de servitudes.
VIII. Information des populations
La DRIRE informe le public des données concernant les rejets de Metaleurop. Ainsi, depuis une quinzaine d'années, le bilan annuel de la DRIRE (Industrie au regard de l'environnement) liste les principaux rejets industriels du Nord-Pas-de-Calais, dont les rejets de plomb, zinc et cadmium de Metaleurop.
Le Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPPI) de l’Artois, qui existe depuis 1998, est aujourd'hui un vecteur d’information vers la population, avec différentes réunions d'information et de concertation.
Le Préfet du Pas-de-Calais a créé par arrêté du 26 novembre 2002 une commission locale d’information et de surveillance (CLIS) autour du site.
Un "projet de territoire expérimental", porté par la communauté d’agglomération depuis 2002, prévoit un "point info-santé" à Noyelles-Godault, une "maison des métaux" à Courcelles-les-Lens et une ferme expérimentale (station de terrain des universités et centre documentaire) à Auby.
IX. Perspectives
La réduction des rejets de métaux lourds doit être poursuivie. Le Préfet et la DRIRE ont demandé à l’entreprise de leur faire des propositions avant la fin janvier 2003 (plan d'action, échéancier). L'objectif est d'obtenir une nouvelle division par deux des flux de plomb. Un projet d'arrêté préfectoral prescrivant les actions retenues sera présenté au CDH dans le courant du premier semestre 2003.
Sur la base des résultats de l'évaluation détaillée des risques (EDR), des servitudes d'utilité publiques seront mises en place. Des opérations de traitement pourront être imposées à l'exploitant. La gestion d’éventuelles incompatibilités de l’usage actuel avec le risque présenté, dans le cas où aucun traitement ne serait suffisant, devra également être traitée.
Il convient de noter que le directeur de la prévention des pollutions et des risques (DPPR) et le directeur général de la santé (DGS) ont convenu avec le préfet du Pas de Calais, la DRIRE et la DDASS, la création d’un comité scientifique, présidé par le Professeur HAGUENOER, qui avait dirigé les travaux menés dans le cadre du PRC. Ce comité aura notamment pour rôle d’appuyer l’Etat dans l’analyse qui sera faite de l’EDR. De manière plus générale, il sera appelé, sans se substituer aux obligations de l'exploitant et de ses conseils, à donner son avis sur les différentes études disponibles et sur les mesures sanitaires mises en œuvre.
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Les efforts importants accomplis par l'exploitant sous la pression de la DRIRE ont permis une diminution extrêmement significative des rejets en métaux lourds. L'Etat poursuivra cette action en imposant à l'exploitant de travailler à la fois à la réduction des rejets canalisés et des rejets diffus.
Une pollution historique très importante subsiste. Divers mesures visant à limiter ses conséquences ont été prises ou sont en cours de déploiement. D'autres techniques de résorption ou visant à fixer la pollution sont en cours d'expérimentation, notamment la phytoremédiation. Les résultats de l'évaluation détaillée des risques (EDR) ont pour objet de compléter ce dispositif.
- Arrêté complémentaire du 16
décembre 1999 (imposant une division par deux des rejets atmosphériques de
plomb)
- Arrêté complémentaire du 9 juillet 2001
(prescrivant une évaluation détaillée des risques)
- Arrêté complémentaire du 24 septembre 2002
(autorisant des essais d'utilisation de zinc oxydé comme matière
première)
- Bilan annuel publié par la DRIRE Nord Pas de Calais : l'Industrie
au regard de l'environnement, rendant publiques les
données relatives à plus de 600 sites industriels dans les domaines des risques,
de l’air, de l’eau, des déchets, des sols pollués chaque année depuis une
quinzaine d'années.