Quatre questions à Frédéric Fasquel, responsable du Service des Affaires Maritimes et du Littoral de la DDTM du Pas-de-Calais
Frédéric Fasquel
Lettre des Études : Pouvez-vous présenter l’observatoire de l’évolution du trait de côte dans le Pas-de-Calais ?
Frédéric Fasquel : Il s’agit d’un programme bi-annuel de suivi topographique des hauts estrans, initié en 1996, et défini au sein de l’arrondissement littoral du Service Maritime des ports de Boulogne-sur-Mer et Calais. Ce programme a pour objectif de connaître plus précisément les phénomènes d’érosions et leurs aléas afin de répondre à des problématiques de gestion de l’érosion du trait de côte. Ce programme de suivi concerne une centaine de points de mesures.
LE : Quels sont les enjeux liés à l’évolution du trait de côte ?
FF : Le recul du trait de côte du littoral du Pas-de-Calais concerne 75 à 80 % de son linéaire avec une érosion plus marquée sur les secteurs situés entre la baie d’Authie et le Cap Blanc Nez.
Les enjeux sont :
- la sécurité des personnes et des biens,
- la gestion douce du trait de côte,
- l’évolution vers une doctrine de recomposition spatiale du territoire,
- la mise en œuvre de solutions durables de défense contre la mer,
- la connaissance du fonctionnement du littoral, la mise en évidence des sites qui subissent de fortes érosions.
Ces enjeux s’inscrivent dans la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte.
L’urbanisation en front de mer développée au 20e siècle s’est accompagnée de défenses contre la mer (perrés maçonnés, rangées de pieux de bois, …), fragilisées aujourd’hui. Une bonne connaissance de l’évolution du milieu sédimentaire et géologique permet d’anticiper les actions à mener pour pérenniser l’existant.
Pendant longtemps une vision dure de la gestion du trait de côte a régné, le discours de l’État était principalement de le fixer.
Progressivement ce point de vue a évolué, des stratégies ont été élaborées avec des plans d’action par bassin de risques. La défense contre la mer ne se conçoit plus seulement par des ouvrages « en dur ». Par exemple, le rôle des avants dunes pour l’équilibre des plages est désormais mieux considéré.
LE : Quels enseignements et utilisations des données récoltées ?
FF : Elles permettent d’informer sur la réalité objective de l’évolution des sites littoraux. Ces données peuvent mettre en évidence des relations de cause à effet par rapport à des activités littorales (constructions d’ouvrages, extraction de sédiments, …) et permettent d’évaluer des échéances temporelles pour des interventions économiquement difficiles à mettre en place comme la reconstruction d’un perré.
Les données produites par le service des affaires maritimes et du littoral de la DDTM62 sont régulièrement transmises à des universitaires ou à des bureaux d’études et mises à la disposition des maîtres d’ouvrages et des collectivités locales.
LE : Quelles perspectives pour les années à venir ?
FF : Les aménagements doux sont de plus en plus étudiés et mis en œuvre.
Cependant, la notion de recul stratégique est difficile à intégrer. Un hiver particulièrement agité (comme l’hiver dernier) avec une succession de nombreuses tempêtes (plus des surcôtes) peut amener certains décideurs à faire des choix d’aménagements précipités, qui auront des impacts négatifs sur plusieurs décennies (enrochements parfois très importants sur la côte atlantique, …) : blocage des échanges sédimentaires, diminution de la capacité de résilience des plages. Or pour observer et essayer de projeter l’évolution du trait de côte, il faut se donner du temps, faire des comparaisons sur de longues périodes tout en suivant minutieusement les dernières tendances. Parfois les ouvrages implantés doivent être évalués sur des périodes suffisamment longues pour faire des retours d’expériences pertinents.
Dans un contexte économique où la puissance publique doit faire des choix, une vision stratégique est indispensable pour hiérarchiser les enjeux et mettre en avant des solutions pérennes.
Cela implique aussi de se poser la question de la maîtrise d’ouvrage car de nombreuses petites communes ont des budgets sans aucun rapport avec les moyens adéquats pour entreprendre une gestion et des aménagements durables du trait de côte.
Enfin, il me semble important de citer un travail en cours particulièrement intéressant : l’étude pilotée par le Pôle Métropolitain Côte d’Opale (PMCO) « stratégie de gestion du trait de côte dans le NPdC » qui doit mettre à jour le PLAGE (Plan Littoral d’Actions pour la Gestion de l’Érosion sur le littoral de la Côte d’Opale), afin de mettre en évidence les enjeux par bassin de risques et prévoir un volet opérationnel pour faire émerger des solutions locales de gestion intégrée du trait de côte.
Contacts : Frédéric FASQUEL – DDTM 62/DML/SAML (frederic.fasquel@pas-de-calais.gouv.fr) et Stéphane BRIMEUX – DDTM 62/DML/SAML/GDPML (stephane.brimeux@pas-de-calais.gouv.fr)